L'inauguration du mandat de la nouvelle Assemblée nationale a été reportée, mais la journée de l'enfance a été avancée. C'est bon signe que de voir ainsi, symboliquement, les enfants avancer de quatre jours et les adultes reculer d'autant. L'enfance, c'est-à-dire l'avenir, serait donc une priorité nationale, et cela pourrait largement justifier qu'on fasse poireauter les adultes, même élus, avant de prendre place dans les fauteuils de la représentation nationale. À propos d'Assemblée nationale, cette fête en l'honneur de l'enfance, officielle et prématurément organisée, n'est pas sans rappeler quelques chiffres, furtivement donnés par le ministre de l'Intérieur à la Chaîne III de la radio publique, mais tus depuis : parmi d'autres données qui ont vite disparu même du site du ministère de l'Intérieur, Zerhouni mentionnait, notamment, et si notre mémoire est bonne, que parmi les nouveaux élus à la représentation nationale, quatre députés seulement sur 389 ont moins de trente ans d'âge et 199 en ont plus de soixante. Les faits contredisent les symboles : la jeunesse est représentée par à peine un peu plus de 1% des députés et le troisième âge par 48% d'entre eux. Il ne saurait être question d'une projection mécanique de la pyramide nationale des âges dans les institutions, mais l'absence des plus jeunes dans les instances de délibération et de décision est patente. On comprendrait pourquoi beaucoup d'adolescents et de jeunes tournent le dos à la vie publique, se réfugient dans la marginalité, l'incivisme et le silence. Leur inexistence politique est à peine compensée par les occasions de défoulement qui, à l'image du football, procurent à la jeunesse la catharsis récurrente et rendue nécessaire par une vie de vide. Les péripéties et la victoire de l'Entente de Sétif en coupe arabe en deviennent largement plus exaltantes et plus mobilisatrices que la campagne électorale et le résultat du scrutin législatif. Le taux d'abstention aux élections législatives du 17 mai est particulièrement élevé, et ce sont les plus âgés d'entre nous qui ont sauvé le peu de meubles préservés lors de cette consultation. La gérontocratie traite la jeunesse, réduite à un simple thème de discours, en infanterie de sa puissance, juste bonne à faire monter l'applaudimètre et être comptée dans les meetings. Les enfants sont aussi, parfois, projetés sur la scène politique. Des petits des quartiers populaires d'Alger sont donc allés voir le président de la République pour lui exprimer “le besoin pressant” d'un “observatoire national pour la protection des enfants”, mais aussi pour saluer les “efforts colossaux” qu'il a déployés “pour la concrétisation de la paix et de la réconciliation”. Est-ce faute d'être pris en charge que les premières victimes de la politique du pays revendiquent ? À court terme, ils paient, en effet, la panne économique et sociale du pays et de la régression du système de santé ; à long terme, ils auront à porter le traumatisme d'une école fanatisée, à souffrir de l'improductif gaspillage des ressources naturelles… Dans un système qui refuse de vieillir, cette incursion infantile dans la sphère politique parviendra-t-elle à contrebalancer le désintérêt des moins jeunes pour la chose publique ? M. H. [email protected]