Hier, pour la deuxième journée consécutive, les aéronefs de Khalifa Airways sont restés cloués au sol. Alors que la réalisation de l'aérodrome d'Oum El-Bouaghi, toujours en cours, est hypothéquée, les aéroports de Sétif, de Jijel, de Tébessa, de Batna et de Biskra risquent à tout moment de se fermer au trafic aérien pour certains et vivre au ralenti pour d'autres. C'est un véritable miniséisme socioéconomique qui est en train de se produire dans ces plateformes aéroportuaires. Avec Khalifa Airways, un rêve est né, et avec elle, il risque de disparaître. La libéralisation du ciel algérien et l'avènement du phénomène Khalifa ont coïncidé avec un environnement spécifique caractérisé par la présence de trois éléments. Pour le premier, en Algérie, avoir son aéroport “wilayal” était — et est malheureusement toujours et ce, depuis le début des années 1990 — un véritable syndrome de certains marchands de rêves. Toutefois, cette tendance a été freinée par les restructurations qu'a entreprises Air Algérie en se délestant de sa mission d'outil de désenclavement, synonyme de la fermeture de certaines lignes non rentables. Pour le deuxième, la demande ne cessait de progresser. Pour le troisième, et pour des raisons liées aussi bien à la stagnation économique qu'à la situation sécuritaire, seuls les corps des services de sécurité et de l'armée continuaient à recruter plus ou moins massivement. Ce phénomène, conjugué à l'insécurité des routes, a assuré cette relative croissance de la demande sur le produit du transport aérien des voyageurs, à l'inverse de la tendance mondiale. Face à cet environnement, Khalifa Airways a été guidée par une philosophie proche de celle des low-cost (comme Aigle Azur) mais dont les actes de management, au quotidien, sont semblables à ceux des grands groupes. En effet, Khalifa Airways reprend la desserte Alger-Jijel, délaissée auparavant par Air Algérie pour non-rentabilité en y injectant un avion de 70 places. Selon la même approche, elle va se placer en concurrente d'Air Algérie sur la desserte Alger-Tébessa déjà sujet à débats quant à sa rentabilité avec l'envergure que prennent, chaque jour, les deux aéroports de Batna et de Biskra. La wilaya de Sétif, stimulée par le phénomène Khalifa, va accélérer, quant à elle, la réalisation de l'aéroport de Aïn Arnat. Avec celui de Jijel, l'aéroport de Sétif est desservi uniquement par “l'aigle bleu”. Dans cette effervescence, la wilaya d'Oum El-Bouaghi, elle aussi, a réactivé son projet d'aéroport. Et pourquoi pas, tant que Khalifa était prête à ouvrir une ligne. Selon des consultants spécialisés dans le transport aérien et le tourisme, indépendamment des déboires du groupe Khalifa en général et que peut rencontrer tout groupe financier, il y a ces erreurs de management qui ont fait que lors de l'acte de gestion, c'est la culture du groupe qui a prédominé à la place de celle des low-cost pourtant choisie au départ comme une stratégie de développement. Aujourd'hui, avec une éventuelle cessation des activités de cette compagnie aérienne de droit privé, car même ses dirigeants les plus optimistes admettent une déstructuration de la boîte menant vers la banqueroute, c'est le sort, en plus de celui du personnel recruté directement par la compagnie, de ces nouveaux aéroports qui devront fermer, qui pose problème. Une véritable crise socioéconomique pointe dans ces villes (personnel au sol, commerce aux alentours dont hôtels, restaurants, taxis). Une entreprise, l'EGSA, risque de connaître des difficultés à court terme si elle n'anticipe pas cette crise. Sauf si un miracle arrive. Ce miracle ne peut venir que de la compagnie publique Air Algérie. Comme ne cesse de le plaider le DG d'Air Algérie, dans sa quête de redressement, la compagnie publique a besoin d'une dizaine de petits porteurs adaptés au marché domestique (notamment des ATR). Or, Khalifa dispose d'une douzaine de ceux-ci, avec des slots bien adaptés. D'où et c'est dans les pratiques de la profession, on s'attend à ce que et pour des raisons économiques, le secteur national du transport aérien des voyageurs, y compris Khalifa, arrive à faire bon usage. Ce sera une chance pour des centaines d'emplois et un espoir pour ces petites villes aéroportuaires. M. K.