Les difficultés vont aller crescendo avec la croissance des besoins de santé et une prise en charge insuffisante de la demande, en termes de ressources humaines. Les données de l'Office national des statistiques font état d'un accroissement de la population algérienne en 2006. De 500 000 personnes en moyenne au cours des dernières années, l'accroissement moyen s'est rapproché du seuil de 600 000 en 2006. Le taux d'accroissement s'est établi à 1,78% de la population, alors qu'il était tombé à 1,6% en 2004 et 2005. À ce rythme, la population estimée à 33,5 millions en juillet 2006, 33,8 millions au 1er janvier 2007, sera de 34,4 millions d'habitants au 1er janvier 2008 et de 35 millions d'habitants début 2009. En réalité, en dépit de progrès indéniables, le taux de mortalité reste important. Le taux de mortalité infantile est de 26 pour 1 000 (dernier chiffre de l'ONS). Le taux de mort-nés et de décès néonatals, c'est-à-dire de 0 à 1 an est de 45 pour 1 000 : 80% sont des nouveau-nés. (0 à 28 jours), 80% meurent la première semaine. Pour 600 000 naissances, on enregistre 33 000 mort-nés. “La mortalité diminue lentement”, constate un spécialiste. Fort de ces réalités, un Conseil de gouvernement a planché sur le dossier de la sécurité néonatale. Un programme national de périnatalité est mis en œuvre depuis avril 2006. “Pour que ce programme puisse prendre forme et atteindre les objectifs du millénaire, il faut développer les services néonatals à l'échelle du territoire national, donner une formation aux jeunes pédiatres…”, décide le conseil. Réduire la mortalité infantile de deux tiers et la mortalité néonatale de trois quarts, tel est l'un des objectifs du millénaire. L'Algérie s'est engagée à l'atteindre. C'est un critère, faut-il le souligner, de bonne gouvernance. Dans ce domaine, les progrès en un mot sont lents. Il suffit de se rendre au service de néonatologie de l'hôpital Mustapha-Pacha pour se rendre compte de l'insuffisante prise en charge de la question. C'est un service de référence à l'échelle du territoire national. Ce service hospitalo-universitaire hospitalise près de 1 600 nouveau-nés, couvre les besoins de la maternité de cette importante infrastructure de santé qui enregistre 6 000 naissances par an. Le service de néonatologie reçoit beaucoup de prématurés, une tendance naturelle en évolution (26 petits poids en 1998 contre 66 aujourd'hui), en raison, entre autres, de la procréation médicalement assistée, de facteurs socioéconomiques, du stress… UN PROBLÈME NATIONAL DE RESSOURCES HUMAINES Ce service, qui joue un rôle capital dans la survie des nouveau-nés hospitalisés, en particulier les prématurés, enregistre de graves insuffisances. Principale carence, les ressources humaines. “Les maternités sont désertées par les pédiatres. La formation des jeunes pédiatres est insuffisante pour prendre en charge la catégorie la plus vulnérable des enfants, lutter contre la mortalité infantile, la mortalité néonatale. C'est un problème national”, constate le professeur Boulebane, chef de service néonatologie à l'hôpital Mustapha-Pacha. Cette insuffisante formation va avoir un effet négatif, un manque de savoir-faire dans la prise en charge d'un bébé, une prise en charge inadaptée peut entraîner des handicaps, avertit le professeur. En d'autres termes, il faut bien former les pédiatres, les affecter en nombre suffisant pour les services de néonatalogie si l'on veut lutter contre la mortalité néonatale, atteindre les objectifs du millénaire en la matière. Il y a des pédiatres qui n'ont jamais vu de nouveau-nés dans leur cursus. La sécurité néonatale passe par une formation adéquate du personnel médical, résume-t-il. Prendre en charge un prématuré suppose pour un pédiatre au moins un an de formation dans un service de néonatologie. Or, les effectifs des pédiatres affectés à ces services sont peu nombreux, insuffisamment formés et peu motivés pour y exercer de façon durable. “Les moyens humains dans les services de néonatologie sont insuffisants par rapport aux normes établies”, martèle ce spécialiste. Le professeur Lebane développe dans son service la méthode kangourou. C'est le seul service de néonatologie qui l'applique sur le territoire. Vingt-cinq pays seulement, dont l'Algérie, la pratiquent dans le monde. En dépit d'une directive datée d'avril 2006, appelant à systématiser cette technique à l'échelle du territoire national, aucune structure hospitalière, aucun service de néonatologie ne pratiquent cette méthode en dehors de l'hôpital Mustapha-Pacha. Quels sont les bienfaits de cette méthode ? En privilégiant le contact direct mère-nouveau-né de petit poids ou prématuré, elle favorise la croissance rapide du bébé. Le professeur cite le cas d'un bébé qui avait à sa naissance un poids de 1,1 kilogramme et qui se retrouve après la pratique de la méthode kangourou à 11 mois à 9 kilogrammes et 75 centimètres, soit davantage qu'un enfant né à terme. Sur 250 bébés ayant subi cette méthode, le taux de succès est de 100% (en termes de survie et de croissance). Ce qui lui fait dire que cette méthode est l'avenir de la médecine algérienne, d'autant qu'on va vers de sérieuses difficultés : le nombre de prématurés va augmenter, comme dans tous les pays du monde. On enregistre déjà 70 000 prématurés par an. L'Algérie doit faire face à cette pression, qui définit les nouveaux besoins en santé publique, alerte-t-il. Cette pression prévisible se mesure aussi au nombre de femmes en âge de procréer (10 millions) et de mariages déclarés (300 000 en 2006, contre 280 000 en 2005), créant de nouveaux besoins économiques et de santé. En fin de compte, on réduira rapidement la mortalité en développant, entre autres, les services de néonatologie, efforts qui vont dans le sens d'une bonne gouvernance du pays. R. E.