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« Les producteurs sont déconcertés par l'instabilité réglementaire et le manque de visibilité » Nabil Melah. Secrétaire général de l'Union nationale des opérateurs de la pharmacie (UNOP)
Un délai d'une année vient d'être accordé aux producteurs nationaux afin de passer du conditionnement à la production. Pensez-vous que les entreprises algériennes seront prêtes pour ce rendez-vous ? Lorsque le cahier des charges a paru en octobre 2008, nous avions déjà signalé que le délai d'un an qui a été donné aux entreprises n'était pas réaliste. Aujourd'hui, force est de constater que nous n'étions pas dans l'erreur, puisque ce délai a été prolongé d'une année. Pour ce qui est du débat sur le conditionnement, vu tous les problèmes dans lesquels se démènent les industriels algériens, je doute que certaines entreprises soient prêtes, et ne pourront l'être que celles qui avaient prévu dans leur programme de développement le passage à cette étape. Nous sommes dans un secteur spécifique et de haute technicité, les équipements de production pharmaceutiques ne se fabriquent pas à la chaîne, et il y a des délais avant que ces derniers soient réceptionnés (jusqu'à 12 mois). Ensuite, il faudrait que la tutelle se rende compte qu'un équipement réceptionné ne sera pas opérationnel avant 6 mois, étant donné les étapes de qualifications préalables, et qu'il n'est pas possible de valider plus d'un certain nombre de produits par an, en raison de la nécessité de fabriquer trois lots industriels de validation avec des contrôles pointus à toutes les étapes intermédiaires. Il ne suffit pas de s'inquiéter de savoir si les entreprises sont prêtes, il faut plutôt se demander si leur environnement l'est, et de travailler pour qu'il le soit. Or, force est de constater que nous en sommes loin ! J'ajouterais que s'il est très facile d'interdire ou de légiférer de la sorte, qu'a-t-on fait pour répondre aux doléances des opérateurs qui souffrent pour obtenir des financements, pour avoir des réactifs, pour obtenir les working standards (principes actifs de référence pour le contrôle qualité), pour recruter du personnel formé, parce que là nous parlons de technologie de pointe pour laquelle l'université algérienne n'a pas formé de personnel, et je peux continuer longtemps sur le manque d'encouragements de la part de notre tutelle. Le ministre de la Santé, Saïd Barkat, l'a signifié d'une manière ferme en marge du Salon du médicament générique tenu la semaine dernière à Alger : il a estimé que certains opérateurs préfèrent rester « au stade importation-emballage pour gagner plus d'argent ». Qu'en pensez-vous ? Je voudrais rappeler qu'en début d'année, ce même ministère a favorisé le produit importé par rapport au produit conditionné, au détriment de l'intérêt des finances de notre pays. En effet, des programmes d'importation de produits conditionnés localement ont été bloqués, tandis que les produits concurrents importés, parfois deux fois plus chers, étaient autorisés ! Donc, si la volonté du ministère de la Santé était en ce début d'année de réduire la facture à l'importation, je pense qu'il y a eu quelques dysfonctionnements. Ceci dit, et pour en revenir cette fois à votre question, il s'agit-là, à notre avis, d'une affirmation peu probable d'un point de vue purement économique, et ceci est facilement prouvé. Ces opérateurs qui importent des produits en vrac font appel à des façonniers, qui eux-mêmes sont rémunérés pour leur fabriquer ces produits. Ne pensez-vous pas qu'un opérateur qui a développé un marché pour un produit (ce qui est le plus dur) ne désire pas augmenter sa rentabilité en fabriquant lui-même ce dernier ? Plus on intègre des étapes de production, plus la marge de l'opérateur augmente ! Maintenant, l'on peut se poser la question de savoir pourquoi certains opérateurs se limitent au conditionnement primaire ? Les raisons sont multiples, et elles sont liées principalement à l'environnement hostile dans lequel ils opèrent, à l'instabilité réglementaire, à l'absence de visibilité et à une absence de dialogue entre la tutelle et les opérateurs. De telles déclarations généralistes ne contribuent pas à faire avancer le débat, d'autant plus que le ministère de la Santé ne peut pas nier également que les plus gros investissements ont été réalisés par les adhérents de l'UNOP. S'il faut donner des preuves de notre engagement dans le développement de l'industrie pharmaceutique nationale, ni l'UNOP ni ses adhérents n'ont de leçons à recevoir. Aux déclarations accusatrices, je préfère personnellement les débats constructifs basés sur des arguments établis et une vision objective de la problématique. Est-ce que vous estimez que les mécanismes nécessaires à ce transfert sont aujourd'hui mis en place ? Honnêtement, la seule mesure mise en place a été la décision courageuse du gouvernement d'interdire à l'importation les produits fabriqués localement, une décision à laquelle notre association appelait depuis plusieurs années. Nous souhaitions que le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière prenne le relais pour l'application de cette mesure en nous accompagnant et en nous aidant à mettre en place un environnement favorable pour pouvoir réaliser nos objectifs, que nous avions fixés nous mêmes à hauteur de 65% de couverture de nos besoins par la production nationale. Malheureusement, nos espoirs ont été vains ! Pourtant, les choses avaient bien commencé par la mise en place d'un comité de concertation en 2009. Mais, hélas, ce comité s'est réuni deux fois en un an, et alors que les recommandations de ce comité n'étaient pas suivies, des décisions unilatérales et sans concertation étaient prises par le MSPRH. Raison pour laquelle nos adhérents en assemblée générale ont décidé le gel de la présence de nos représentants au sein de ce comité. Si des mesures devaient être prises, elles viseraient à surmonter les entraves auxquelles sont confrontés nos adhérents ; pour certains, il s'agit de difficultés à trouver les financements, d'autres sont à la recherche de terrains pour s'agrandir, leurs locaux actuels étant trop exigus, d'autres sont également inquiets de ne pas maîtriser la technologie, d'autant plus que l'université algérienne ne répond pas à leurs besoins. La plupart sont tout simplement déconcertés par l'instabilité réglementaire dans laquelle nous opérons et le manque de visibilité auquel nous sommes confrontés avec souvent des décisions prises par la tutelle sans concertation et à exécution immédiate (je rappelle encore une fois qu'en 2005, les fabricants ont été brutalement livrés à eux-mêmes en raison de l'hypothétique adhésion de l'Algérie à l'OMC). A l'heure où je vous parle, le ministère qui exige le passage à la production n'est pas sans savoir qu'il n'y a toujours pas de formation de pharmaciens industriels en Algérie, alors que la réglementation exige que le directeur technique soit titulaire de ce diplôme (ou bénéficie d'une expérience de 3 ans dans le domaine), le ministère de la Santé n'ignore pas non plus que nombre de nos adhérents sont toujours confrontés à des difficultés pour l'approvisionnement en produits dangereux (réactifs, alcools…) D'après le ministre de la Santé, c'est avec de telles mesures que l'on peut encourager la production et la consommation du générique. êtes-vous de cet avis ? Est-ce que vous me permettez de sourire ? De quelles mesures parlez-vous ? Du fait d'interdire le conditionnement primaire ? J'appelle ça la politique de la baguette magique « koun fa yakoun ». J'aurais préféré que le ministre nous annonce de réelles mesures qui encouragent la production, ne serait-ce qu'en répondant aux différentes problématiques auxquelles nous sommes confrontés dans notre quotidien, et qui ont été soumises au ministère à chaque fois que l'occasion s'est présentée. Pour faire un parallèle, un chef d'entreprise qui assigne un objectif à ses équipes doit au préalable s'assurer que ces dernières ont toutes les moyens pour les atteindre, et non pas se contenter de leur ordonner de les atteindre en menaçant de les licencier ! Si nous voulons que les entreprises passent à d'autres étapes de fabrication, nous devons les encourager et leur offrir l'environnement adéquat ; je juge la politique de l'interdiction trop facile, et certaines entreprises qui n'étaient pas préparées risquent de se voir ainsi écartées de fait. Notre objectif est de réussir à accompagner ces entreprises dans leur développement et non pas de les en empêcher, et ce, au travers de mesures que l'UNOP a toujours demandées, telles que la mise en place d'inspections au niveau des unités de production, la publication des statistiques, la prise en charge de la problématique de la propriété intellectuelle, la formation et d'autres sujets pour lesquels nous avons saisi la tutelle. Cela ne pourra pas se faire sans une administration forte, dotée des moyens humains et matériels nécessaires. A ce sujet, si nous faisons un comparatif sur l'évolution des moyens de cette administration, nous constatons que le Laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques (LNCPP) est passé de 20 à près de 300 personnes de 2002 à 2009, tandis que la direction de la pharmacie au ministère de la Santé est passée de 40 à … 40 personnes…Si nous voulons être tous à la hauteur de nos ambitions, nous devons nous préparer et nous donner tous ensemble les moyens d'y parvenir. La consommation du générique a augmenté de 10% en une année, selon le ministre de la Santé. Quelle évaluation faites-vous en tant qu'Union nationale des opérateurs de la pharmacie par rapport à ce constat ?. Avant tout, il serait intéressant que les opérateurs économiques aient accès à ces chiffres afin de pouvoir les analyser et orienter leur développement. Il y a probablement eu un accroissement de la consommation du générique, mais ceci est principalement dû à la décision du gouvernement d'interdire à l'importation les produits fabriqués localement, et aussi du fait de l'application du tarif de référence. Je suis désolé, mais j'aimerais bien connaître les mesures d'encouragement du générique prises par le ministère de la Santé ? !!! Je pense que nous pouvons aller à des croissances plus fortes du générique pour peu qu'on donne les moyens aux professionnels de travailler en améliorant notre environnement, notre réglementation et surtout en renforçant les moyens humains et matériels du service des enregistrements du MSPRH. Et permettez-moi également de vous rappeler que si l'UNOP représente 80% du chiffre d'affaires du médicament, les plus importants laboratoires génériqueurs producteurs sont également membres de notre association, et qu'à ce titre aussi nous avons en notre sein des compétences et un savoir-faire susceptibles d'apporter leur contribution pour le développement du générique en Algérie, pour peu que l'on travaille en concertation et dans une atmosphère de confiance. Quelles perspectives voyez-vous ? Le président de la République en personne a souhaité que nous ayions une politique d'encouragement du générique fabriqué localement. Cette instruction s'est matérialisée fin 2008 par l'interdiction d'importation des produits fabriqués localement, décision encore une fois courageuse et à laquelle l'UNOP a toujours appelé. Aujourd'hui, nous devrions être au stade de la mise en œuvre de cette directive. Et pour cela, j'ai la faiblesse de penser que nous devons, avant de mettre en place une stratégie, récolter les données et statistiques dont dispose le MSPRH, et travailler ensemble dans une réelle concertation à la réussite de nos objectifs qui ne peuvent être que communs. Soyons constructifs, pragmatiques et réalistes, au lieu de nous renvoyer la balle, et donnons-nous les moyens d'atteindre les 65% de couverture de nos besoins. L'objectif est d'élever le niveau de nos ambitions pour pouvoir aborder des sujets autrement plus importants, tels que la maîtrise de nouveaux procédés technologiques, la biotechnologie et l'exportation, deux domaines très potentiels, mais pour l'instant délaissés en raison des problèmes quotidiens que vivent nos adhérents.