Les dirigeants européens sont parvenus, samedi, à un accord sur les grandes lignes du futur traité qui remplacera la défunte Constitution européenne après une longue bataille d'usure polonaise et britannique. Il a fallu tout le poids de l'Allemagne dont la chancelière, Angela Merkel, se révèle femme de tête. Après avoir soufflé le froid et des négociations marathons, Varsovie a lâché prise : les 27 ont convoqué une conférence intergouvernementale qui sera approuvé avant la fin de 2007 et ratifié avant la mi-2009. Pour de nombreux Européens, et à leur tête le président de la Commission de Bruxelles, le Portugais José Manuel Barroso, il était important d'effacer la crise engendrée par le “non” français et néerlandais de 2005 pour passer à autre chose, même si, dans l'aventure, le terme Constitution a disparu. Face aux divergences sur la conception même de l'avenir institutionnel de l'Europe, les Européens ont souscrit à un traité simplifié qui reprend des dispositions institutionnelles du projet de Constitution, notamment une présidence stable du Conseil européen, un ministre des Affaires étrangères, l'extension de la majorité qualifiée et un nouveau mécanisme de prise de décision pour éviter les blocages. Le président français s'estime, pour sa part, satisfait, ravi d'avoir obtenu la suppression de la référence à la concurrence libre et non faussée dans les objectifs du traité, une formule qui avait été utilisé pour faire capoter le référendum sur la Constitution européenne en France. Sarkozy, dont la présence à Bruxelles était son baptême du feu au sein de ses pairs européens, a admis que l'UE a frôlé la rupture devant l'entêtement des Polonais et les jeux des Britanniques. Le successeur de Jacques Chirac évite d'avoir à faire passer un nouveau texte par nouveau référendum ou même comme il l'avait envisagé par la voie parlementaire. Dans les deux cas, la consultation aurait été pour lui à haut risque. C'est que la vague bleue escomptée à l'Assemblée nationale n'a pas eu lieu et Sarkozy serait condamné à passer par l'opposition socialiste. Tony Blair a suivi Sarkozy car les travaillistes en difficulté préfèrent ne pas avoir à soumettre quoi que ce soit à un référendum perdu d'avance. La Pologne a fini par accepter le principe de la double majorité, 55% des Etats et 65% de la population, qu'elle a si longtemps combattue parce qu'elle réduit l'énorme pouvoir de blocage qu'elle avait obtenu dans le traité de Nice. La chancelière allemande a frappé sur la table et menacé de se passer de la Pologne comme cela avait été fait en 1985 par Bruxelles pour passer outre à l'opposition de la Britannique Margaret Thatcher au processus qui allait mener à l'Acte unique. Tony blair a néanmoins obtenu sa revendication d'une limitation du rôle du futur ministre des Affaires étrangères de l'UE qui restera le Haut Représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité mais en devenant vice-président de la Commission et présidera les Conseils des ministres des Affaires étrangères de l'UE. Plusieurs pays fédéralistes, comme la Belgique ou l'Italie, ont jugé ces concessions trop importantes et ont tenté dans les dernières heures de la négociation, de sauver quelques miettes du projet de Constitution qu'eux avaient adopté, mais leurs efforts furent totalement vains. D. B.