Bagdad est mise à sac par les pillards. Les spectacles d'anarchie et de furie dans la capitale irakienne après la chute de Saddam Hussein nous rappellent les images livrées par les Roumains en 1989 au lendemain de la fin de règne de la dictature de Nicolae Ceausescu. En l'absence d'une force intérimaire de maintien de l'ordre, le berceau de la civilisation humaine, à présent, soit quatre jours après la “conquête” de Bagdad, vit au rythme des vols, des règlements de comptes, ou plutôt est à bord du chaos. Le processus de transition pour sortir du vide politique, tel que promis par les forces de la coalition, tarde à voir le jour. L'insécurité dans la capitale de l'antique Mésopotamie a franchi le seuil de l'intolérable. A défaut d'une arme à feu, la population civile, commerçante et autre, garde toujours une arme blanche au poing pour se protéger des pillards. Les stores des boutiques des artères commerçantes sont baissés. Les édifices publics et institutionnels ne sont pas à l'abri des actes de pillage et de vandalisme. Les ONG et autres organisations humanitaires devant venir en aide aux populations civiles se sont repliées sur d'autres pays, en attendant des jours meilleurs. Ce constat désolant et indescriptible, rapporté par les agences de presse, confirme le doute des experts internationaux quant au rétablissement du calme et de la sécurité le plus tôt possible. Ces derniers n'excluent naturellement pas le scénario d'une catastrophe ingérable et incontrôlable dans ce pays millénaire de Babel. En attendant la mise en place du gouverneur américain, le général Gay Garner, devant baliser le terrain aux partis irakiens pour prendre en main leur destin, la Maison-Blanche a demandé à la police de Bagdad, qui était sous la coupe du régime de Saddam Hussein, de reprendre du service dans l'espoir de contribuer à rétablir l'ordre dans la place de Ferdaws et dans les autres artères. Un colonel des marines, cité par la chaîne BBC, a déclaré : “Nous tentons de contacter des responsables de police pour les inciter à revenir travailler.” Un petit groupe de sept policiers irakiens conduit par un colonel s'est présenté, hier, à l'hôtel Palestine où logent des officiers américains pour leur offrir leurs services dans la ville livrée à l'anarchie. Le département d'Etat américain a annoncé, également, l'envoi dans les prochaines semaines de près de 1 200 responsables policiers, consultants en sécurité publique et experts judiciaires devant participer à la restauration de l'ordre. Ces derniers qui seront placés sous l'égide de l'Office de reconstruction et de l'assistance humanitaire sont appelés à émettre des suggestions sur la façon de mettre en place la sécurité et la police locale. Une chose est évidente, en attendant la mise en place de ce dispositif, le chaos aura pris des proportions importantes dans un Irak livré à l'hégémonie américaine. Dire que ces scénarios de catastrophe n'ont pas été prévus dans les plans guerriers de Bush, c'est incontestablement faux. C'est ce qui a amené les observateurs internationaux à conclure que l'anarchie actuelle en Irak est voulue et volontaire. Pourquoi ? Cela rentre dans les secrets de la raison et de l'opportunité de déclenchement de cette deuxième guerre du Golfe. Parallèlement à cette anarchie, Washington annonce une réunion pour mardi prochain dans la ville de Nassiriyah afin de commencer à poser les jalons d'une future autorité intérimaire avec des personnalités de l'intérieur et d'autres revenues d'exil. La rencontre de mardi s'annonce décisive et cruciale pour esquisser les contours de ladite autorité intérimaire. Un des dirigeants du Congrès national irakien (CNI), Al Sharif Bin Al-Hussein, a affirmé depuis Londres que chaque parti de l'opposition sera représenté par un représentant. Le dirigeant controversé du CNI, Ahmed Chalabi, chiite, revenu d'exil récemment, s'attend à ce que la transition américaine soit rapide pour permettre aux irakiens de prendre des responsabilités. Bénéficiant de l'appui du Pentagone, le leader chiite espère la tenue des élections dans un délai n'excédant pas deux années. Une chose est sûre, l'antique Mésopotamie sombre, à présent, dans un chaos indescriptible. R. H.