Au premier jour de sa visite d'Etat en Algérie, le président Mahmoud Ahmadinejad s'est muré dans le silence. Pas une seule déclaration à la presse. Ni à son arrivée à l'aéroport d'Alger ni à la fin de son entretien avec le président Abdelaziz Bouteflika. Ce qui constitue une entorse aux traditions du palais d'El-Mouradia dans la mesure où la déclaration à la presse fait partie du rituel des audiences présidentielles depuis l'arrivée au pouvoir du président Bouteflika. Alors une question : pourquoi Mahmoud Ahmadinejad, réputé pour ses déclarations haut en couleur et à l'emporte-pièces, n'a pas soufflé mot des questions abordées avec le chef de l'Etat ? Il est fort probable que le chef de l'Etat iranien ait décidé de réserver la primeur de ses déclarations publiques en Algérie aux responsables des journaux qu'il doit rencontrer aujourd'hui. Il faut dire que Téhéran attend énormément de cette visite préparée de longue date et précédée par de nombreux déplacements d'envoyés spéciaux en Algérie. Ali Laridjani, secrétaire général du Conseil suprême de la sécurité nationale et négociateur en chef du dossier nucléaire iranien avec les Occidentaux, et Manoucher Mottaki, ministre des Affaires étrangères, sont, en effet, venus en Algérie pour informer l'Algérie de l'évolution de la crise du nucléaire iranien et s'assurer de son soutien et de sa solidarité, mais aussi pour préparer la visite de Mahmoud Ahmadinejad. Même si l'ambassadeur iranien en Algérie avait, avant cette visite, assuré que le dossier nucléaire iranien ne serait pas abordé, des observateurs estiment que Mahmoud Ahmadinejad est venu en Algérie à la recherche du soutien d'Alger sur le dossier nucléaire iranien et conforter les relations bilatérales convalescentes surtout sur le plan économique. Outre un tête-à-tête avec le président Abdelaziz Bouteflika, M. Ahmadinejad s'est entretenu également, hier, avec le président du Conseil de la nation Abdelkader Bensalah, le président de l'APN, Abdelaziz Ziari, et le Chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem. L'annulation in extremis de l'escale technique que devait effectuer le président iranien à Alger en janvier dernier étant désormais un lointain souvenir, Téhéran se remet à courtiser de nouveau Alger en vue de maintenir un canal de discussions avec les puissances occidentales dans la gestion du dossier nucléaire iranien. L'Algérie est favorable à la non-prolifération nucléaire et à la dénucléarisation de l'Afrique et du Proche-Orient. Elle s'est également prononcée pour l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques par les pays en développement. M. Bouteflika avait vigoureusement plaidé en faveur de l'usage par l'Afrique des technologies nucléaires au service du développement, en janvier à Alger, lors d'une conférence africaine sur les applications pacifiques de l'énergie nucléaire, en présence du DG de l'AIEA, Mohammed El-Baradei. Outre l'appui de l'Algérie sur le dossier nucléaire, Mahmoud Ahmadinejad espère également, lors de cette visite, donner un coup de fouet aux relations économiques entre les deux pays. Les échanges commerciaux algéro-iraniens avoisinant les 7 millions de dollars restent modestes. Un protocole d'accord a été signé en juin 2007 entre la société algérienne de fabrication et de montage de véhicules Famoval et le groupe iranien Iran Khodro Industrial Group portant sur la réalisation d'une chaîne de montage de minibus, qui doit être opérationnelle à partir de 2008. Mais l'Iran veut consolider cette coopération à travers l'implantation en Algérie d'une banque iranienne, l'ouverture d'une ligne aérienne directe Alger-Téhéran et la construction de logements. Autant dire que le président iranien veut une normalisation quasi totale des relations algéro-iraniennes, rompues en 1993 en raison du soutien de l'Iran aux islamistes algériens. Depuis son accession au pouvoir, le président iranien a mené l'Iran dans un bras de fer sans fin avec l'Occident à propos du programme nucléaire iranien. L'Occident soupçonne l'Iran de chercher à fabriquer l'arme atomique en utilisant son programme d'enrichissement d'uranium, mais Téhéran soutient que son programme est purement civil. L'absence de transparence des autorités iraniennes et la reprise de leurs activités d'enrichissement d'uranium en janvier 2006 ont poussé l'AIEA à déférer le dossier devant le Conseil de sécurité de l'Onu. Le Conseil a adopté depuis trois résolutions, dont les deux dernières imposent des sanctions, pour obtenir de Téhéran qu'il suspende son enrichissement d'uranium. Outre ses envolées anti-occidentales, M. Ahmadinejad s'est surtout illustré depuis un an par ses déclarations hostiles à Israël. Il avait notamment provoqué un scandale international en 2005 en jugeant que l'Etat d'Israël devait être “rayé de la carte”, remettant en cause la réalité de l'holocauste, qu'il a qualifié de “mythe”. Peu avant sa visite en Algérie, il est revenu à la charge en déclarant à des journalistes algériens à Téhéran que les “Israéliens peuvent chercher un endroit ailleurs” pour vivre que dans les territoires palestiniens. R. B.