Ancien chercheur au Centre de recherche en astronomie, astrophysique et géophysique (Craag), le Pr Loth Bonatiro, spécialiste en astronomie et en planétologie, revient, dans cet entretien à Liberté, sur l'origine de la vague géante qui a causé la mort de 12 personnes, le vendredi 3 août, sur une plage de Mostaganem. Liberté : Que s'est-il passé au juste à Mostaganem? Loth Bonatiro : Les recherches que j'ai effectuées et les données dont je dispose ne permettent pas d'expliquer à l'heure actuelle l'origine scientifique de la puissante déferlante qui a provoqué la mort de 12 baigneurs sur cette plage de Mostaganem. Ces informations ne sont pas complètes. De plus, il y a un décalage entre les données du centre d'observation de Strasbourg (est de la France) et celles du Craag. Cet organisme a affirmé qu'il n'a pas enregistré de secousse. Le centre de Strasbourg dit, par contre, avoir enregistré deux secousses: la première le jeudi 2 août à 13h46, qui ne peut avoir de lien avec l'étrange vague de Mostaganem, et la seconde le vendredi 3 août à 21H08, au centre du bassin méditerranéen. D'après les données du Centre de Strasbourg, la deuxième secousse a été localisée entre la Libye et la Grèce. Ce qui écarte la cause à effet entre la vague et un éventuel séisme qui se serait produit au large de Mostaganem. Du coup, cette affaire ouvre la voie à la spéculation scientifique qui nous pousse à rechercher la cause de ce phénomène inhabituel ailleurs. Parmi les causes plausibles figure celle d'un essai scientifique en plein centre de la Méditerranée. Le phénomène pourrait avoir eu pour origine un essai scientifique et on peut supposer qu'il s'agit d'une expérience scientifique d'armes conventionnelles. Il faut savoir que la France, l'Italie ou l'Espagne procèdent de temps à autre à ce type d'expérimentation. Il est clair que l'hypothèse d'un essai à l'arme non conventionnelle est exclue car cela ne serait pas passé inaperçu. En conclusion, je dirai que l'hypothèse d'un tsunami est à écarter car le raz-de-marée est beaucoup plus large alors que la vague en question, haute de trois mètres, a touché une seule plage de l'Ouest algérien. Un tsunami est-il possible en Méditerranée? Oui. Ce phénomène peut se produire sur nos côtes à n'importe quel moment. L'historique de la sismicité du bassin méditerranéen nous informe que dans le passé, il y a eu des raz-de-marée dans la rive nord et la rive sud du bassin méditerranéen. La ville de Jijel par exemple a été frappée le 18 août 1856 par un séisme suivi d'un raz-de-marée qui a envahi toute la ville et y a provoqué d'importants dégâts. Il s'est produit le même phénomène en Turquie et en Grèce. Cela prouve que celà peut se reproduire à l'avenir. Que faut-il faire à l'heure actuelle sur le plan scientifique contre ce type de phénomène? Il faut savoir que le développement de la science permet notamment depuis le fameux tsunami qui avait ravagé en 2004 plusieurs régions de l'Indonésie et touché plus de dix pays du pourtour de l'océan Indien, de prévoir les raz-de-marée. Depuis cette catastrophe, les chercheurs ont mis en place des systèmes de surveillance du niveau des mers plus perfectionnés. Ils ont développé le système d'alerte aux tsunamis. Grâce au système de surveillance par satellite (GPS), on peut connaître avec précision la hauteur de la vague. Si cette hauteur n'est pas normale, le satellite lance une alerte au tsunami. On peut donc se prémunir contre les raz-de-marée en optant pour un système d'alerte performant dans le bassin méditerranéen. Pour cela il faut une coopération intense entre tous les pays de la région. En ce qui concerne l'Algérie, je pense qu'il faut revoir le système sismique du Craag et l'améliorer. La réponse du Craag concernant ce qui s'est produit à Mostaganem est inadmissible. L'absence d'enregistrement pourrait être due à un défaut de fonctionnement des instruments de détection du Centre. Il faut mettre les moyens et les hommes qu'il faut pour que cet organisme fonctionne correctement. Il doit y avoir une surveillance accrue pour pouvoir détecter à n'importe quel moment tout mouvement suspect au large des côtes algériennes. Il y va de la sécurité du pays. Entretien réalisé par Rafik Benkaci