Si la période du terrorisme a fait une véritable saignée dans notre élite, ces dernières années, un autre mal pernicieux celui-là, et qui trouve son origine dans la pression énorme exercée, est en train, lui aussi, de faire des coupes sombres au sein des hauts cadres de la nation. La récente disparition de deux hauts cadres de l'Etat, au-delà du coup du sort qui peut frapper tout un chacun, nous rappelle une précarité de plus en plus criante et ouverte à tous les vents de l'élite algérienne. D'autant plus que, face à un rythme infernal que ne justifie même pas le salaire, nombre de détenteurs de postes-clés, et de surcroît investis de lourdes charges, ne peuvent opposer que le courage. Ils paient de surcroît de leur santé cette hantise d'avoir à assumer, dans un isolement sidéral, la paternité d'un échec dont la responsabilité incombe nécessairement à l'autre. Corvéables à merci, parce qu'ils ne peuvent faire autrement, ils sont le plus souvent prédestinés au rôle peu enviable de fusible, et ils le savent. Pour conjurer ce sort, ils préfèrent taquiner la mort, se jouer de la traîtrise d'un infarctus, mépriser le stress pour vivre dans cette illusion d'invulnérabilité qui ne leur accorde au bout de compte que le sursis. Une telle logique s'inscrit dans la richesse d'un potentiel humain dont la pérennité peut être hypothéquée par sa gestion anarchique et une imprévoyance qui fait la part belle au ponctuel à l'immédiat. Gardons-nous de prendre des raccourcis, mais force est de reconnaître que si la période du terrorisme a fait une véritable saignée dans notre élite, ces dernières années, un autre mal pernicieux celui-là, et qui trouve son origine dans la pression énorme exercée, est en train, lui aussi, de faire des coupes sombres au sein des hauts cadres de la nation. Une bonne partie de notre élite est en train de se consumer à petit feu, faute d'avoir trouvé d'autres refuges pour garder sa dignité que de se tuer au travail. Et c'est assurément le cas de le dire devant une triste réalité qui veut, aujourd'hui, faute d'un confortable portefeuille de compétence, que l'Algérie est en train de gâcher le peu dont elle dispose. Quand on est haut cadre, on ne risque plus de mourir de vieillesse. Z. B.