Drapeau planté au pôle Nord, bombardiers nucléaires en patrouille au-dessus du Pacifique, manœuvres militaires avec la Chine : Moscou multiplie les coups de griffes aux Occidentaux marquant la volonté de Moscou de défendre ses ambitions de superpuissance. Le dernier incident en date remonte à mercredi dernier, quand deux bombardiers stratégiques Tu-95 russes ont affolé les radars américains en venant narguer des chasseurs américains au large de la base de Guam, dans le Pacifique, renouant avec une tradition abandonnée depuis la fin de la guerre froide. “Deux de nos jeunes équipages ont fait une visite du côté de l'île de Guam”, s'est félicité jeudi un haut responsable de l'armée de l'air, le général Pavel Androssov, en révélant cette sortie confirmée par le Pentagone. “Cela a toujours été une tradition de nos bombardiers stratégiques d'effectuer de longs vols au-dessus de l'océan, d'y rencontrer des avions américains et de saluer de visu les pilotes américains.” Moscou a déjà procédé cet été à des vols de bombardiers, sur fond de crise russo-britannique liée à l'empoisonnement à Londres de l'ex-agent Alexandre Litvinenko. Le 20 juillet, l'armée norvégienne avait signalé des bombardiers russes en mer du Nord, volant à des latitudes inhabituelles entre la Norvège et la Grande-Bretagne, et provoquant l'envoi de chasseurs intercepteurs norvégiens et britanniques. “Dès qu'elle le peut, la Russie montre le retour de sa puissance, y compris militaire”, souligne l'analyste Alexandre Golts. Les vols de bombardiers stratégiques à long rayon d'action avaient diminué après la chute de l'URSS en raison du manque de financement de l'armée. Mais la Russie ne limite pas ses ambitions aux cieux. Le 2 août, une mission d'exploration russe a planté un drapeau russe au fond de l'océan Arctique, à plus de 4 000 mètres sous le pôle Nord, un exploit salué par le président Poutine, partisan de la mainmise sur ces régions riches en hydrocarbures. Le lendemain de cet exploit très médiatisé, le chef de la Flotte russe en mer Noire, l'amiral Vladimir Massorine, évoquait la possibilité de rétablir une présence navale permanente en Méditerranée, où les Etats-Unis ont déployé leur VIe Flotte. Selon la presse russe, le port syrien de Tartus, déjà utilisé par la flotte soviétique à l'époque de l'URSS, pourrait de nouveau accueillir des escales de navires militaires russes. L'armée de terre russe n'est pas en reste, avec de gigantesques manœuvres lancées en Chine la semaine dernière par des troupes russes, chinoises et d'ex-républiques soviétiques d'Asie centrale. Ce regain militaire de la Russie survient après une période de 16 ans marquée par le déclin militaire et diplomatique de la Russie face aux Etats-Unis. “Pour le Kremlin, c'est très important de garder au moins un domaine dans lequel nous sommes à égalité avec les Etats-Unis. Et on le montre avec obstination”, estime Alexandre Golts. Mais cette puissance retrouvée de la Russie est aussi vue comme une menace. Le pied de nez des bombardiers russes à Guam a été précédé cette semaine par un tir de missile lundi soir en Géorgie, pays du Caucase qui a accusé la Russie, son grand voisin du Nord. Moscou dément catégoriquement. L'analyste politique Ioulia Latynina espère que Moscou en restera au stade de la démonstration de force. “Pour l'instant, Dieu merci, nous ne faisons que montrer nos forces, avec ces histoires de bombardiers, de drapeau au pôle Nord. Nous ne faisons pas la guerre”, dit-elle. R. I./Agences