Les avocats ont mis en relief le vide juridique. Des mis en cause ne comprennent pas pourquoi des peines ont été requises contre eux. Les traits tirés, les yeux rougis par le manque de sommeil, des mis en cause assis à même le sol de la salle des pas perdus écoutent attentivement les plaidoiries de leurs avocats. L'audience a déjà repris pour ce deuxième jour des plaidoiries qui semblent bien parties jusqu'à la fin du week-end. Le verdict ne sera donc rendu que dans dix à quinze jours, selon la défense. Il faut dire que le procès de l'affaire du foncier de Bouchaoui est considéré comme un mini “Khalifa” au vu des personnes impliquées directement ou indirectement et qui sont au nombre de 167. Un procès somme toute très contesté par les avocats de la défense, notamment pour ce qui est de l'aspect pénal. On relève, en effet, un vide juridique concernant le désistement que plusieurs avocats essaient de minimiser au regard de la loi non précise à ce sujet. “Cela fait des dizaines d'années que nous compulsons les textes de loi. Nos yeux sont usés par la révision des codes de procédure pénale. Je lance un défi, avec tout mon respect au président, à qui me montrera un texte donnant un caractère pénal à ces transactions”, lance un avocat en brandissant le code pénal. D'autres qui se sont succédé à la barre ont observé les mêmes remarques, à savoir que les chefs d'inculpation (association de malfaiteurs, dilapidation de biens publics ou de foncier) ne correspondent pas à la réalité de ce qui est reproché. La défense est convaincue que ce procès a été fait d'une manière “légère”. Pour certains, le terme “bâclé” a été utilisé pour dire que l'instruction de l'affaire a manqué de sérieux. “L'expropriation des terres n'est pas un fait nouveau dont la pratique est souvent un acte des walis et des APC”, soulève un autre avocat qui précise que le désistement obéit à des règles, notamment en introduisant dans le contentieux la partie propriétaire. “Ce que nous constatons aujourd'hui, c'est que les textes juridiques relatifs au désistement font l'objet de spéculations. L'usufruit ou le droit de jouissance n'est pas un délit pénal”, notera un troisième avocat. Pour l'ensemble des avocats de la défense, l'erreur est dans le vide juridique, ce qui ne manque pas de pousser à tirer des conclusions hâtives et préjudiciables à l'adresse des clients, particulièrement les fellahs. Certains d'entre eux que nous avons rencontrés ne comprennent d'ailleurs pas pourquoi des peines ont été requises contre eux dans la mesure où les documents de désistement initialement signés ne faisaient pas mention de la destination finale du projet qui devait être lancé sur les terres en question. De même qu'ils s'interrogent sur l'attitude de la justice qui les condamne pour dilapidation de terres pourtant toujours en place. Comme on continue de s'interroger sur la présence en prison de la notaire qui n'a pourtant pas commis l'irrégularité de rendre publics les actes de désistement. Quant à la secrétaire de Brahim Hadjas, en liberté provisoire pour raison de santé, elle ne faisait que pleurer durant ce procès. Une femme fragilisée par la maladie, mais très consciente de ses actes. Elle n'a fait, selon ses avocats, qu'obéir à son responsable en exécutant des tâches qu'elle ne pouvait contester du fait de son poste subalterne. Brahim Hadjas avait, selon ses avocats, de sérieuses intentions de lancer un projet agricole sur les terres convoitées. En attendant le verdict dans quelques jours, on retiendra que l'affaire du foncier de Bouchaoui est l'arbre qui cache la forêt. Ali Farès