Certains parmi les principaux mis en cause dans le détournement des deniers publics de la BCIA pourraient même être des victimes, de l'avis des avocats chargés de la défense dans ce procès qui se déroule à Oran. Jeudi dernier, au 20e rounds des plaidoiries du procès BCIA, les "robes noires " ont présenté les commerçants comme étant de "malheureuses personnes désabusées après avoir été dupées par leur illettrisme", carrément "innocents de l'accusation de complicité de dilapidation de deniers publics ". Les prévenus qui sont des commerçants, à savoir Sahraoui Mohamed, Bounab Abderrahmane, Bilak Meghenni et Khatir Khelifa sont respectivement défendus par Me Boudjellel, Me Dekhili, Me Abdelli et Me Youssef. Ils sont actuellement en détention provisoire et l'avocat général a réclamé, pour rappel, une peine de 6 ans de réclusion. Les arguments de la défense ont été quasiment axés sur l'ignorance des mis en cause et ont tous procédé par le rejet des conclusions de Djaaferi Mokhtar, l'expert qui fut désigné par le juge d'instruction pour déterminer le préjudice dans le cadre du dossier "BCIA". Les avocats de la défense sont allés jusqu'à remettre en cause le bien fondé des montants des préjudices imputés par l'expert à leurs mandants. Le rapport en question a été empreint de beaucoup de "subjectivité et de partialité ", alors que les mis en cause ignoraient carrément les véritables desseins des responsables de la BCIA au moment où Kharroubi Ahmed et à son fils Mohamed Ali, respectivement PDG et directeur régional de la BCIA, tous deux en fuite, leur ont fait signer à blanc, les documents bancaires. Quoiqu'il en soit, force est de relever d'emblée que si la défense de ces quatre mis en cause semble se fonder sur leur "ignorance des procédures", les circonstances et la part de responsabilité et les arguments mis en avant pendant les mêmes plaidoiries de la journée du jeudi pour la défense du cinquième mandant sont forcément différentes. Boukhatem Saïd étant, au moment des faits, le chef de service "devises" à l'agence 74 BEA "Yougoslavie" d'Oran. Il lui est reproché d'avoir signé et avalisé deux traites escomptées par la suite au profit de l'opérateur Ouala Rezzak, lui aussi accusé par une autre banque privée (ABC Bank). La défense de cet accusé, assurée par Me Kadri et Me Ouaras, se base essentiellement sur le fait que, d'une part c'est la BEA et non la BCIA qui s'y présente comme avaliseur des deux traites en question, et que d'autre part, il y a la mention d'une banque autre que la BCIA. Aussi, le fait que le nom de Boukhatem Saïd ne figure ni dans la plainte déposée en mai 2003 par le directeur régional de la BEA (M. Baghdadi Djamel), ni dans le rapport d'expertise, a été souligné en premier lieu par la défense. Le seul grief retenu contre Boukhatem, par les responsables centraux de la BEA, dit Maître Kadri, trait la non-comptabilisation des deux garanties présentées en contrepartie des deux traites avalisées, ce qui lui a valu une comparution au conseil de discipline de la BEA, instance devant laquelle il finira par obtenir gain de cause. Sinon, la signature de son client avait été apposée en sa qualité de chef de service "engagement", responsabilité qui lui fut imposée au motif du manque d'effectifs, précisant encore que Boukhatem aurait avalisé les traites en question sur la base d'une dérogation écrite de son supérieur, le chef d'agence Adda Larbi, lequel figure aussi parmi les accusés. Quant à l'aval fait pour ces mêmes traites, il est qualifié d'infraction étant donné que le compte bancaire du bénéficiaire était débiteur. Sur ce sujet encore, Me Kadri a repris les déclarations émanant d'autres cadres accusés ou entendus en tant que témoins au procès pour rappeler que "seul le chef d'agence disposait du code d'accès informatique permettant le "forçage", c'est-à-dire rendant un compte créditeur alors que le solde y est en réalité négatif ". " Le système informatique affiche systématiquement le message "Dérogation demandée ", quand il s'agit de comptabiliser une telle opération qui ne pouvait, par voie de conséquence, être exécutée que par le détenteur de la clé de forçage ", argumentera-t-elle. La défaillance du premier logiciel, exploité à l'époque des faits par le détenteur du code d'accès, le chef d'agence en l'occurrence et l'importance de la mesure préventive prise par les responsables de la BEA à la suite de cette affaire, ont été mises en exergue, par Me Kadri. "Le système informatique a d'ailleurs été remplacé par un autre programme qui n'autorise pas le forçage durant une période de 5 jours "… Me Kadri a aussi souligné que son mandant est toujours employé à la BEA, promu à un autre service où il gère aujourd'hui des dossiers de crédits importants sans le moindre problème. Ce cadre, rappelle-t-on, figure parmi les 7 accusés placés sous contrôle judiciaire par le magistrat instructeur de cette affaire. Une peine de 4 ans de prison ferme a été requise à son encontre par le représentant du ministère public. Les mandants peuvent-ils, à l'issue de cette plaidoirie, s'avérer, à ce titre, innocents ? A suivre !