«La Banque d'Algérie ne peut rembourser à la place d'El Khalifa Bank le préjudice causé aux clients de cette dernière». Le réquisitoire du procès Khalifa s'est ouvert, hier, après le long marathon des débats et interrogations et après les plaidoiries de la partie civile. Ce fut l'occasion pour le procureur général du tribunal criminel près la Cour de Blida de «vider son sac». Les observateurs qui l'ont suivi tout au long de la partie relèvent en lui un homme réservé, ayant la maîtrise des dossiers et décidé, lui aussi, à être à la mesure de sa tâche, ô combien compliquée, en suivant attentivement les débats, en intervenant dans les moments précis pour demander des clarifications ou relever des contradictions. Fidèle à sa mission de souffler le chaud et le froid, le «Gharak», un peu libéré et déchaîné, a tiré à boulets rouges sans réserve sur le fondateur du groupe Khalifa et ses collaborateurs qui l'ont suivi dans toutes les étapes, de la pré-phase à la fondation et à la grande dérive en passant par les différentes périodes de gestion. Tout au long du réquisitoire qui a commencé tôt dans la matinée et qui s'est poursuivi dans l'après-midi, il s'est efforcé de justifier les quatre chefs d'inculpation attribués aux 104 accusés. Les chefs d'inculpation retenus contre ces derniers sont au nombre de quatre; ils portent sur la constitution du groupe bancaire et surtout l'alimentation en totalité de sa caisse, à savoir «association de malfaiteurs, vol qualifié, escroquerie et dilapidation de deniers publics et abus de confiance en vertu de l'article 376 du code pénal». Le deuxième grief concerne la corruption, trafic d'influence et privilèges et avantages perçus, alors que les troisième et quatrième sont le faux et usage de faux pour certains, corruption et trafic d'influence ou enfin abus de confiance pour d'autres. Ainsi, selon lui, tout était parti d'un petit groupe restreint, armé de mauvaises intentions de nuire et de faire fortune rapidement par tout moyen en profitant de la conjoncture de l'époque tant sécuritaire, politique qu'économique. Ce groupe a, à sa tête, Khalifa Abdelmoumène, Djamel Guelimi, Issir Idir, le notaire Rahal, Chachoua. Viennent ensuite les autres qui ont contribué à la mise en application des intentions de nuire du groupe. Dans ce cadre, le procureur général a beaucoup ciblé l'ex-coach de l'équipe nationale, Ighil, pour avoir incité de grands organismes et entreprises à opter pour le dépôt de leur argent à la Banque Khalifa. Le procureur général a, également, affirmé que la Banque d'Algérie n'est, en aucun cas, responsable des dépassements d'El Khalifa Bank. «La Banque d'Algérie n'est pas le tuteur des banques primaires et ne peut être responsable des vols commis par des individus travaillant dans une autre banque», lance le représentant du parquet. Il a, également, affirmé que «la Banque d'Algérie ne peut rembourser à la place d'El Khalifa Bank le préjudice causé aux clients de cette dernière». Qualifiant la création de la banque de falsification flagrante et d'intention de nuire, le procureur général a aussi rappelé les autres irrégularités d'El Khalifa Bank, notamment les crédits sans garantie et le changement du statut de la banque sans autorisation de la Banque d'Algérie, ni assemblée générale des actionnaires. Le procureur général a révélé qu'El Khalifa Bank «n'a jamais payé ses impôts et l'inspection des impôts l'a confirmé», a-t-il dit. Le procès s'est poursuivi en fin d'après-midi et il est attendu, de par la sévérité du réquisitoire, à ce que le procureur général demande le maximum des peines prévues au titre de l'arsenal juridique du tribunal criminel et ce, à l'encontre des personnes accusées. Conjoncture oblige pour faire justice, lutter contre la corruption, le blanchiment d'argent et le dédommagement des clients concernés par les 134 milliards de dinars perdus, surtout le Trésor public. Dans l'attente des plaidoiries de la défense des accusés et de connaître l'autre version des faits, c'est le jeu de la justice dans ce procès qui se veut exemplaire et représentatif de l'image de marque du pays.