Le mystère le plus total continue cependant d'entourer le sort de l'ancien maître de Bagdad. L'ancien vice-Premier ministre irakien, Tarek Aziz, a été interrogé hier par les forces américaines en Irak, auxquelles il s'est rendu dans la nuit, et qui voient en lui un “confident” de Saddam Hussein pouvant les aider à élucider le sort de l'ancien dictateur. “Il est actuellement interrogé”, a déclaré hier un porte-parole du Commandement central (Centcom) américain au Qatar, le lieutenant Herb Josey, ajoutant en guise d'indication sur l'objet de l'interrogatoire que Tarek Aziz “est un confident de longue date de Saddam Hussein”. L'ancien ministre irakien des Affaires étrangères “s'est rendu dans la nuit aux forces de la coalition”, selon un autre porte-parole du Centcom, qui a refusé de préciser où est détenue la personnalité du régime de Saddam Hussein la plus connue à l'étranger, où il se déplaçait fréquemment. Quoique placé assez bas dans la liste des anciens dignitaires irakiens les plus recherchés, au 43e rang sur 55, Tarek Aziz est une proie de choix pour la coalition américano-britannique et sa reddition, un symbole de la déconfiture totale du régime irakien. Son arrestation porte à douze le nombre des ex-responsables irakiens de cette liste, désormais aux mains des forces américaines en Irak. Sa capture a été saluée d'un geste triomphant par le président américain George W. Bush — pouce levé et large sourire — et d'un commentaire satisfait des services du Premier ministre britannique Tony Blair, qui l'ont qualifié de “développement bienvenu”. Agé de 67 ans, Tarek Aziz, qui n'était plus apparu en public depuis le 19 mars, était le seul chrétien de l'ex-gouvernement irakien. En tant que membre d'une confession ultra-minoritaire, il ne bénéficiait pas du soutien d'une région précise en Irak et sa loyauté allait entièrement à la personne de l'ancien président irakien. Le mystère le plus total continue d'entourer le sort de l'ancien dictateur irakien, dont George W. Bush n'a pas exclu jeudi qu'il ait été tué dans le bombardement américain sur Bagdad qui avait marqué le début de la guerre, le 20 mars dernier. Un responsable du Pentagone, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, a estimé jeudi “possible qu'il [Tarek Aziz] sache où sont Saddam et d'autres dirigeants”, parce qu'il “était depuis des années le visage et la voix du régime”. Visage bonasse et voix policée, s'exprimant dans un anglais parfait, Tarek Aziz s'est chargé jusqu'au dernier moment de défendre les positions de Bagdad à la face du monde, même s'il ne dirigeait plus la diplomatie irakienne depuis mars 1991. Le dernier de ses fréquents voyages à l'étranger l'avait mené le 14 février au Vatican pour remettre un message de Saddam Hussein au pape Jean-Paul II. Membre du Conseil de commandement de la révolution (CCR), la plus haute instance du régime, ce haut responsable du parti Baas était un compagnon de la première heure de Saddam Hussein, qu'il connaissait depuis la fin des années 1950. Chargé un temps de la propagande du parti Baas, Tarek Aziz avait été ministre de l'Information de 1974 à 1977 puis ministre des Affaires étrangères à partir de 1983. Pendant la crise puis la guerre du Golfe (janvier-février 1991), il a été le principal porte-parole de Saddam Hussein à l'étranger.