Après la chute de Bagdad, il avait fui sa maison et rompu tout contact avec sa famille. Celui qui avait prétendu en février dernier, quelques semaines avant les attaques américano-britanniques, que l'Irak combattrait jusqu'à l'épuisement de ses dernières munitions s'est rendu, vendredi dernier, aux Américains. L'ancien vice-Premier ministre, Tarek Aziz, personnalité du régime de Saddam Hussein la plus connue à l'étranger, s'est constitué prisonnier sans livrer bataille. “Je porte mon pistolet pour vous confirmer que nous sommes prêts à combattre les agresseurs. Les soldats américains ne sont que des mercenaires et ils seront battus”, affirmait-il. Fin mars, il assurait que les Américains seraient reçus “avec la plus belle musique” et les “plus belles fleurs” d'Irak. “Nous n'avons pas de friandises. Nous ne pouvons leur offrir que des balles”, disait-il. La suite, tout le monde la connaît. Un autre dignitaire du régime irakien est tombé entre les mains des Américains. Il s'agit de Farouk Yahia Hijazi. Ce dernier assumait jusqu'à tout récemment la fonction d'ambassadeur d'Irak en Tunisie et fut auparavant un haut responsable des services secrets de Saddam. Même s'il ne figure pas sur la liste des 55 dignitaires irakiens les plus recherchés par les Etats-Unis, il est “la plus grosse prise jusqu'à présent” des forces américaines en Irak, selon l'ancien directeur de la CIA, James Woolsey. “Nous savons que cet homme avait des liens avec Al-Qaïda”, a-t-il affirmé. Alors qu'il était ambassadeur en Turquie, il aurait rencontré Oussama Ben Laden en Afghanistan, en décembre 1998. Des responsables irakiens ont démenti cette rencontre. Après s'être rendu, Tarek Aziz, le célèbre ancien ministre des Affaires étrangères irakien durant la guerre du Golfe de 1991, a été interrogé par les Américains, espérant qu'il fournisse des informations sur le sort de Saddam Hussein, de ses deux fils et de ses armes de destruction massive. Le Pentagone n'a pas écarté l'éventualité que Tarek Aziz sache où sont Saddam et d'autres dirigeants, parce qu'il “était depuis des années le visage et la voix du régime”. Certaines sources ont même affirmé que l'ancien vice-Premier ministre aurait négocié sa reddition. Ainsi, Tarek Aziz fournirait des informations sur le régime de Saddam, en échange d'un exil en Grande-Bretagne. Pour le moment, le mystère le plus total continue d'entourer le sort de l'ancien dictateur irakien, dont George Bush n'a pas exclu, jeudi dernier, qu'il ait été tué dans le bombardement américain sur Bagdad qui avait marqué le début de la guerre, le 20 mars. George Bush a affirmé également qu'il existait des preuves indiquant que le président irakien était mort ou “au moins gravement blessé”. Tarek Aziz était le seul chrétien dans le premier cercle de dignitaires de l'ancien régime dominé par les musulmans sunnites. Il ne figurait qu'en 43e position sur la liste des 55 dirigeants irakiens recherchés “morts ou vifs” par les Américains, dont 12 sont désormais en détention. Au début des années 1990, son visage était familier aux Nations unies. Tarek Aziz, alors ministre irakien des Affaires étrangères, avait eu la redoutable tâche d'expliquer et défendre l'invasion du Koweït par les troupes irakiennes. Une invasion qui avait entraîné la première guerre du Golfe en 1991. Douze ans plus tard, ce n'est pas lui qu'on a vu en première ligne devant le Conseil de sécurité de l'ONU, mais l'ambassadeur irakien Mohammed Al-Douri. Le vice-Premier ministre irakien n'a guère joué de rôle important dans cette nouvelle offensive. Il semblerait que son influence se soit affaiblie au fil du temps. Alors qu'au début des années 1990, il se déplaçait fréquemment à l'étranger, il ne se contentait plus, ces dernières années, que de recevoir des délégations à Bagdad. Sa loyauté envers le président Saddam Hussein ne s'est cependant jamais démentie. En 1979, Tarek Aziz avait été nommé ministre de l'Information, avant de prendre les fonctions de vice-Premier ministre, un an plus tard. Il avait ensuite occupé le poste de ministre des Affaires étrangères à partir de 1983 jusqu'à la première guerre du Golfe. Depuis, Tarek Aziz s'est fait plus rare sur le devant de la scène internationale. Il avait travaillé en 1984 à la restauration des relations diplomatiques entre Bagdad et Washington après une rupture de 17 ans. Il avait rencontré en 1983 l'actuel secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, alors émissaire du président Ronald Reagan. Une chose est sûre, sa reddition risque de précipiter la capture de Saddam et des autres dignitaires du régime encore en fuite. R. B.