Entre deux voyages, en Corse et au Tchad, avec entre les mains des dossiers lourds, le président français Nicolas Sarkozy s'est offert une escapade au Maroc. Discrètement, en privé, le président fait un break à Marrakech entouré d'amis intimes. Il venait pourtant à peine, il y a quelques jours, d'effectuer une visite officielle dans le royaume. A-t-il alors été séduit, subjugué par le charme de cette ville prisée, par ailleurs, par de nombreuses personnalités et artistes français dont certains y ont acheté un pied-à-terre ? On connaît les liens des gaullistes avec le trône, l'amitié entre l'Elysée et Rabat, mais cela n'était pas évident avec Sarkozy qui s'est vite converti à la realpolitik version G. W. Bush. Du moins, il n'était pas apparent dans son discours. Jusqu'au moment où l'affaire des Rafale l'a bousculé pour le pousser à être plus entreprenant pour arracher un remplacement au marché perdu. L'affaire sera réglée, et le Maroc conforté dans ses positions au sujet du conflit sahraoui. La nouvelle alliance franco-américaine fera parler d'elle, sans doute, au Conseil de sécurité de l'ONU, entre autres. En fait, le successeur de Chirac, qui donnait l'air d'un rassembleur porteur d'une autre vision, a vite succombé à l'attrait des traditionnelles positions françaises, y compris au sujet de l'Afrique, pour les recréer à sa manière, avec une certaine fougue qui, parfois en apparence, semble brusquer l'ordre établi. Au risque de désarçonner les observateurs. Paradoxe ? Peut-être, puisque même si Sarkozy perpétue une tradition “familiale” entre la France et le Maroc, il y a lieu de relever qu'il est depuis toujours resté loin de “ces affaires de famille” menées par Chirac (surtout) et quelques ministres et personnalités considérés “très amis” du palais. Ce qui rend sa position plutôt dénuée de pragmatisme qu'il prône. Et ses déclarations au sujet du conflit sahraoui qui, au début, ont irrité Rabat ont fini par se redresser à son profit avec un soutien clair et franc pour le plan d'autonomie concocté par le Makhzen comme solution définitive. Sur ce plan, attendu, mais le nouveau Sarkozy n'est jamais arrivé. Ce qui n'a pas manqué de surprendre Alger. Cela d'autant que cette position assimilable à un revirement risquait d'éloigner davantage Paris d'Alger. Il était alors loin Sarkozy qui déclarait en sortant d'un entretien à El-Mouradia avoir rencontré un homme lucide, d'avoir appris de ce grand homme politique avec qui il partage les points de vue, en parlant de Bouteflika. A-t-il revu alors ses choix et options ? Possible. Le choix du Maroc pour une visite (privée) au cœur d'un agenda chargé n'est pas fortuit, encore moins un fait anodin. Alger peut rester insensible à cela d'autant plus qu'il se prépare à recevoir M. Sarkozy qui y effectuera une visite officielle dans quelques jours. Comment interpréter alors le décalage entre les déclarations d'intention, celles relatives à la refondation des relations, des relations privilégiées et autres ambitions, alors que dans les faits, à l'Ouest, il semble être directement passé à l'acte par une sorte de traitement privilégié vis-à-vis du voisin ? Il est d'ailleurs remarquable comment son projet d'union méditerranéenne n'ait eu d'écho, n'ait fait débat qu'à Alger, de manière informelle. Ce qui signifie que la préoccupation d'Alger ne se limite pas aux questions de visa ou de circulation des personnes, comme on a souvent tenté de le faire croire. Aussi Sarkozy est-il contraint, comme il l'a fait, de rassurer Rabat, d'être clair sur toutes ces questions pour éviter les frictions, les malentendus qui ont souvent miné les relations entre les deux pays. Djilali B.