Sarkozy est-il parti du mauvais pied? Son escapade luxueuse à Malte a créé un malaise en France et suscité la polémique. Officiellement proclamé, jeudi, président de la République française, par le Conseil constitutionnel, Nicolas Sarkozy inaugure son règne à la tête de l'Etat français de la manière la moins subtile en montrant d'emblée, sa tendance prononcée pour le luxe. D'ailleurs, au lendemain de son élection à l'Elysée, le successeur de Jacques Chirac s'est offert quelques jours de vacances à bord du luxueux yacht d'un homme d'affaires français. Cette escapade pour milliardaire n'a pas été du goût, tant de ses adversaires socialistes, que de l'ensemble de la presse française -y compris celle qui lui était politiquement acquise- qui a estimé à 100.000 euros le séjour, à bord de ce yacht de luxe, de M.Sarkozy, accompagné de son épouse Cécilia et de leur fils. Cette escapade du président élu français dans les eaux féeriques de Malte est-il un faux pas d'un néophyte empressé de mettre en pratique ses thèses élitistes? Sans doute pas, surtout si l'on note que M.Sarkozy a pris conseil, en communication, auprès du multimilliardaire Silvio Berlusconi, ancien président du Conseil italien. Ce dernier affirmait, d'ailleurs, mardi, après l'élection de M.Sarkozy, que celui-ci l'avait pris comme «modèle» en politique. Mercredi, Fedele Confalonieri, président de Mediaset, le groupe de télévision privée appartenant à la famille Berlusconi, avait déclaré: «Il y a deux ans, Sarkozy est venu en Sardaigne» où M.Berlusconi possède une luxueuse villa, «pour demander des conseils à Berlusconi, non pas sur le fond, mais sur la manière de communiquer», a déclaré ce proche collaborateur et ami de longue date du magnat italien des médias sur la chaîne d'information en continu Sky TG24. Les socialistes français qui n'ont toujours pas digéré la défaite de leur candidate, Ségolène Royal, ont fait des gorges chaudes de cette escapade de luxe de Nicolas Sarkozy. Le député socialiste, Henri Emmanuelli, a ainsi affirmé qu'en élisant Nicolas Sarkozy «les Français ont confié le pouvoir politique au pouvoir de l'argent». De son côté, le Parti communiste français a qualifié de «très inquiétant» le «lien direct» entre Nicolas Sarkozy et «les milieux d'affaires». Enfonçant le clou, une association de chômeurs français a évalué les trois jours de croisière de M.Sarkozy à «environ 17 années» de revenus pour un employé touchant le salaire minima. C'est donc une France livrée au pouvoir de l'argent que le président élu français compte mettre en oeuvre? De fait, l'audience accordée, jeudi, au milliardaire libanais, Saâd Hariri, par le successeur de Jacques Chirac à l'Elysée, en dit long sur la politique pour le Moyen-Orient qui sera celle de Nicolas Sarkozy. D'ailleurs, le président français sortant -avant toute chose -a transmis jeudi à son successeur, Nicolas Sarkozy, le dossier libanais, qui bute actuellement sur la mise sur pied d'un tribunal international devant juger l'affaire de l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, soulignant l'importance qu'accorde M.Chirac à ce dossier. Jacques Chirac, ami de la famille Hariri, a ainsi reporté son affection sur Saâd Hariri le fils de l'ancien leader politique libanais assassiné qu'il recevait, au moins une fois par mois à l'Elysée. Jeudi, le président sortant et le nouveau chef de l'Etat français ont reçu ensemble à l'Elysée Saâd Hariri. Paris s'est montrée ces dernières années particulièrement offensive pour ce qui est de la problématique libanaise, la France étant l'une des rédactrices de la résolution 1554 de septembre 2004 qui a contraint la Syrie à retirer ses troupes du Liban après 29 ans de présence. D'autre part, la présidence française n'a pas lésiné sur les moyens pour activer la création d'un tribunal international devant juger les auteurs de l'assassinat de Rafic Hariri. Le départ de Chirac de l'Elysée n'aura donc aucune incidence sur l'affaire libanaise, transmise à l'évidence en de ‘'bonnes mains''. D'ailleurs, Saâd Hariri a été l'une des premières personnalités étrangères à avoir, chaleureusement, félicité Nicolas Sarkozy pour son succès à la présidence française, se disant certain «que les relations historiques entre le Liban et la France se poursuivront sur les plans politique, économique et culturel» pendant la présidence de M.Sarkozy. Enjoué après sa rencontre avec les présidents français, l'ancien et le nouveau, Saâd Hariri a déclaré à la presse que l'entretien a donné lieu à une «discussion franche sur le Liban et (...) la continuité de la politique française au Liban». M.Hariri a ajouté que «le président élu Sarkozy a affirmé la nécessité de former un tribunal international pour l'assassinat de Rafic Hariri et de tous les autres qui ont été assassinés au Liban, et il a affirmé la nécessité de poursuivre les relations entre le Liban et la France comme elles étaient, dans le passé avec le président Chirac». Evidemment, M.Sarkozy qui semble cultiver les opportunités de s'entourer d'hommes riches et aisés, a saisi au vol la conjoncture de sa rencontre avec le milliardaire libanais, pour réitérer la continuité de la politique française au Liban. Toutefois, cette façon de faire des hommes politiques français vis-à-vis du contentieux libanais risque de manquer sérieusement d'objectivité et de faire obstacle à une solution consensuelle dans un dossier qui reste très sensible et qui menace de réveiller les antagonismes ethniques au Liban, alors que les plaies de la guerre civile (1975-1990) restent ouvertes. En tout état de cause, le président français élu, avant même d'être installé à l'Elysée (la cérémonie de passation de pouvoir est prévue le 16 mai prochain), a nettement montré ses préférences pour le pouvoir (et les hommes) de l'argent suscitant maintes interrogations sur la détermination de M.Sarkozy à «changer» la France, à «construire» une France sélective qui, sans doute, tournera le dos aux démunis et autres laissés-pour-compte. Moins d'une semaine après son élection, Nicolas Sarkozy affiche, d'ores et déjà, les couleurs de la France qu'il veut édifier suscitant malaise et inquiétude.