“Nous ne pouvons pas penser l'avenir de la nation sans avoir une vision de la culture, parce que la culture non seulement est le patrimoine, l'histoire, la langue et notre présence dans monde, mais elle touche également à la personnalité de la nation et d'un peuple.” Ces propos ont été tenus à Riadh El-Feth, dans la soirée du samedi 17 novembre, par le président de l'Alliance nationale républicaine (ANR), Rédha Malek. Ce dernier, en sa qualité de membre fondateur de la coordination républicaine qui regroupe, outre l'ANR, le Mouvement démocratique et social (MDS), l'Union démocratique républicaine (UDR), des personnalités du monde de la culture, d'éminents professeurs en médecine et des citoyens, a affirmé avec force que “la culture est un engagement pour avancer, pour dépasser l'arriération, l'obscurantisme et tous les handicaps hérités de la colonisation et d'un passé féodal”. Et, parce que la culture demeure “une préoccupation majeure” pour la coordination républicaine, celle-ci a consacré la rencontre de samedi à la culture en Algérie et à ses perspectives et a été animée par des hommes de culture, à savoir Rachid Boudjedra, Merzak Bagtache et Ammar Azouz. Dans leurs interventions, les animateurs ont mis en exergue l'état inquiétant du secteur de la culture non sans déplorer “l'absence d'une vision de la culture” en Algérie, voire “l'absence d'une stratégie de développement de la culture”, selon les termes de M. Azouz. Pour ce dernier, les différents gouvernements qui se sont succédé depuis l'Indépendance “ont souvent considéré la culture comme un luxe et non comme un investissement, alors que la culture est essentielle, comme le pain”. Le musicologue a même indiqué qu'il y a “mépris de la culture et des hommes de culture par le pouvoir”. “Pourtant, la culture est une action structurante qui favorise la formation du citoyen”, a-t-il poursuivi. Plus loin, Ammar Azouz a abordé “la crise” qui secoue le monde de la musique, du cinéma et du théâtre, ainsi que celui de l'édition, regrettant l'inexistence “d'associations représentatives des hommes de culture”. Le même constat de désolation a été établi par Merzak Bagtache, écrivain et journaliste, qui n'a pas caché son désarroi devant “l'imprécision” du système politique algérien. Pis, il se sent “dans la peau d'une personne flouée”, qui voit à travers la dégradation environnante “un retour à la case départ”. “Après 45 ans d'indépendance, nous n'avons pas encore un prix de littérature, ni de films sur l'Emir Abdelkader. Nous n'avons pas non plus de cinéma ni de théâtre qui répondent aux aspirations de la société”, a déclaré M. Bagtache. Sur le registre de l'entrée des chaînes étrangères dans les foyers algériens, particulièrement la chaîne arabe Al-Jazeera, l'écrivain a averti que “nous sommes à la merci des commentateurs de tout bord”. Se présentant comme un partisan de “la particularité algérienne”, notre confrère d'El Watan a également constaté un dérapage linguistique, puisque que l'Algérie évolue, selon lui, “sans une langue précise”. Avant de plaider pour “une vision courageuse et typiquement algérienne” sur le sujet. De son côté, Rachid Boudjedra a défini la culture à la fois comme “une sorte d'approche de l'autre”, un état “d'être à soi-même, à l'autre et au cosmopolite”. “La culture est vitale pour l'être humain, car elle lui permet d'échapper à sa condition minérale. Mais, en Algérie, on n'a pas compris cette problématique”, a attesté l'écrivain. D'après lui, le pouvoir algérien “est complexe et complexé par rapport à la culture, car il a peur de l'homme qui porte la parole”. Contrairement aux animateurs précédents, M. Boudjedra a néanmoins signalé qu'en matière de culture, la responsabilité “incombe à tout le monde, pas seulement à l'Etat”. Il a même trouvé que dans “cette médiocrité”, l'Algérie recèle des “génies”, en désignant tous ces écrivains et artistes qui ont émergé depuis les années 1950. Au cours du débat, des participants sont revenus sur le malaise entourant la problématique de la langue dans notre pays. D'aucuns se sont interrogés sur le rôle des intellectuels et du rétrécissement des espaces culturels, d'autres ont constaté la difficulté, chez certains, de concilier la foi avec la démocratie et la liberté d'opinion, apportant des témoignages sur des actes d'intolérance vis-à-vis des femmes qui ne portent pas le foulard ou par rapport à des écrits journalistiques. “La foi de l'homme est quelque chose d'individuel. Mais, on doit tenir compte de cette vérité sociologique qu'on appartient à un peuple”, a répondu Rédha Malek, en défendant “le développement de l'esprit”. H. Ameyar