Ils avaient tous deux un même problème : dépasser la contrainte constitutionnelle qui leur limite le nombre de mandats. Deux expériences de transition démocratique ont subi, le même jour, un test déterminant dans le processus de détournement autoritaire. Le hold-up semble avoir réussi en Russie, mais a lamentablement échoué au Venezuela. La victoire du parti de Poutine est cependant largement discréditée. Il n'est pas toujours possible de prétendre à la respectabilité démocratique et gagner ses élections par l'enrôlement militant des institutions et l'exercice de la répression brutale contre la contestation. Demain, ce sera toujours “Russie unie”, le parti de Poutine, qui dirigera le pays, mais sans la caution démocratique jusqu'ici sauvegardée, vaille que vaille. Même la complaisance occidentale a les limites de ses opinions publiques. Après le spectacle de l'arrestation de Kasparov, aucun président ne pourra plus, comme Chirac il y a cinq ans, venir à Moscou pour attester du caractère démocratique de ce simulacre d'élections. Quand, parfois, un régime appelle le vote à prolonger sa survie, il ignore souvent que le même vote révèle sa nature antidémocratique. Avec effet rétroactif. À l'autre bout du monde, Hugo Chavez a perdu le référendum pour la révision de la Constitution qui devait faire du Venezuela “un pays socialiste” et surtout lui permettre de se représenter indéfiniment. Mais on se demande si cette défaite transitoire, subie ou peut-être voulue, ne l'aidera pas plutôt à assurer sa longévité politique. En déclarant, après la promulgation des résultats du scrutin, que “cette fois, nous n'avons pas pu”, comme lors du putsch raté de 2002, il entendait que ce n'est que partie remise. Et il a tout le temps pour revenir à la charge, puisqu'il est encore président jusqu'au début 2013 ! Cette possibilité affichée de défaite fait de lui un démocrate injustement incriminé de dictature. Avec la relative crédibilité retrouvée de ses institutions et le temps qu'il a devant lui, il lui sera plus aisé d'organiser son après-2013. D'ailleurs, Poutine a aussi renoncé à ne pas forcer la révision de la Constitution russe. Le moment venu, il quittera physiquement le Kremlin pour la Maison-Blanche (c'est ainsi qu'on appelle le siège du gouvernement russe), mais gardera probablement, sur le successeur qu'il se sera choisi, toute l'influence nécessaire à l'organisation de son retour pour un troisième mandat décalé. En termes d'emprise sur les affaires du pays, cela équivaudra au bout du compte à quatre mandats. Et ce ne sera peut-être pas fini. Cette tendance au renouvellement à l'envi, voire à l'infinie, de mandat de chef de l'Etat est caractéristique des dictatures “républicaines” autocratiques. Elle est particulièrement observable dans les “républiques” arabes. Dans certains cas, comme en Libye et en Egypte, elle se projette, au-delà de la durée de vie du dictateur, sur sa descendance biologique et non plus seulement politique. Depuis quelque temps, la démarche de “la présidence à vie”, soit au sens littéral, soit par la multiplication des mandats possibles et programmés, tient lieu, dans les dictatures traditionnelles qui ont subi des révolutions multipartites, de riposte à la “dérive démocratique” du pluralisme politique. M. H. [email protected]