L'Algérie a connu une année exceptionnelle en termes d'entrées en devises et au regard du niveau actuel des réserves de change. L'inflation importante a cependant mis à nu les dysfonctionnements du marché, les difficultés de la sphère réelle encourageant du coup une tendance à une baisse du pouvoir d'achat de la majorité de la population. Production industrielle, accélération des réformes, dynamique économique “Le géant ne s'est pas encore réveillé” Rien n'a fondamentalement changé en 2007 par rapport à l'année 2006, concernant les réformes économiques, en général, et la situation du secteur industriel, en particulier. L'économie algérienne ne va pas bien même si les finances algériennes sont florissantes. Au cours du 1er semestre 2007, la production industrielle du secteur public a encore marqué le pas. L'indice de la production de l'industrie manufacturière a ainsi baissé de 1,1%. Si l'indice général a crû quand même de 0,6%, c'est grâce à l'énergie (3,6%), essentiellement la production d'électricité, aux hydrocarbures qui ont augmenté de 0,5% au 1er semestre (contre -0,7% de 2005 à 2006). C'est grâce aussi aux mines et carrières qui ont crû de 11,8%. Depuis plusieurs années, l'indice de l'industrie manufacturière ne fait que baisser, et on peut se demander jusqu'où va se poursuivre cette évolution. Cette baisse touche pratiquement tous les secteurs de l'industrie manufacturière, hormis ceux qui sont directement liés au secteur du BTP, c'est-à-dire ceux qui fournissent des inputs à ce dernier, notamment le secteur des matériaux de construction. La tendance est ainsi franchement négative pour les autres secteurs. En fait, qu'il n'y a “rien de nouveau sous le soleil”, la rente, encore la rente, toujours la rente. “Le géant ne s'est pas encore réveillé”, à la faveur de la stratégie et des politiques de relance et de développement du secteur industriel. Depuis les assises nationales, organisées en février 2007, qui ont regroupé six cents personnes autour de l'avenir industriel du pays, rien ne semble se traduire sur le terrain. Bien sûr, le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements, lui, affirme le contraire. Pour lui, la stratégie industrielle se met en place. En tout état de cause, ce qu'il faut retenir de cette année, et là encore il y a du nouveau, c'est qu'il y a de très grandes insuffisances structurelles dans l'économie algérienne. Les hydrocarbures jouent un rôle de voile qui cache son incontestable vulnérabilité et l'amélioration des recettes d'exportation ont un effet pervers : le report répété des indispensables réformes dont a besoin notre économie, alors même que c'est dans le contexte financier actuel que ces réformes ont toutes les chances de réussir. Mais combien de fois a-t-on déjà répété cette banalité ? Et pourquoi cette surdité des gouvernants ? Quand allons-nous enfin aborder les vrais problèmes dont souffre la société algérienne ? Matelas de devises à fin décembre Plus de 100 milliards de dollars de réserves de change L'opération de privatisation du Crédit populaire d'Algérie et l'envolée de la monnaie unique européenne, l'euro, face au billet vert, le dollar, ont été incontestablement des faits marquants de l'année 2007. La privatisation du CPA, notamment était très attendue par les acteurs économiques. Contre toute attente, le 24 novembre, le gouvernement a annoncé sa décision de mettre en suspens le concours pour la vente de 51% du capital de la CPA, soit 12% du marché bancaire algérien et 6 milliards de dollars d'actifs. Le ministère des Finances a déclaré avoir reporté le concours afin de pouvoir évaluer l'impact de la crise internationale des crédits hypothécaires. L'autre fait marquant est lié à l'envolée de l'euro face au dollar. Alors qu'en 2002, un euro s'échangeait contre 0,95 dollar US en moyenne annuelle, le taux de change est passé à près de 1,26 dollar US pour un euro en 2006 et à 1,40 dollar US/euro en octobre 2007. Par rapport à 2002, la valeur du dollar a donc diminué de près de 33% en 2006 et de 48% en octobre 2007. L'euro progressait très légèrement hier face au dollar. 1 euro valait 1,4420 dollar. Il vaut 100 dinars algériens. Conséquence : la facture des importations globales a augmenté considérablement. La fragilisation du dollar pose un autre problème, et pas des moindres, inhérent aux réserves de change qui, de ce fait, perdent de leur pouvoir d'achat. Des réserves de change, qui grâce à l'envolée des prix du pétrole, devraient atteindre 100 milliards de dollars à fin décembre, estiment des experts. Meziane Rabhi De la flambée des prix de la pomme de terre à la tension sur le lait Graves perturbations sur le marché local Le marché des produits de large consommation a connu des perturbations sérieuses et régulières durant l'année 2007. Les répercussions de la flambée des prix des matières premières à l'international ont été aussitôt ressenties localement. Précisément, deux principaux produits, et non des moindres, ont défrayé la chronique pendant de longs mois. Le phénomène le plus inattendu demeure celui de la cherté de la pomme de terre. L'Algérie était exportatrice de ce produit agricole il y a à peine une année. Ironie du sort, notre pays replonge dans le stade d'importateur, en l'espace de trois semestres ! Les prix du tubercule ont atteint des proportions telles que nombre de consommateurs l'ont supprimé de leur table. Les raisons d'une telle situation évoquées par le ministère de tutelle sont multiples. Mais quels que soient les motifs et autres arguments avancés, rien ne justifie, cependant, la vente au marché d'un kilogramme de pomme de terre à 70 DA. L'une des causes soutenues par le ministère est celle liée à la diminution de la superficie plantée dans le cadre du programme saison. Cela est dû à la difficulté rencontrée pour l'achat de la semence sur le marché international. Environ 80% des besoins pour le programme de la saison proviennent de l'importation. La seconde a trait à la maladie parasitaire du mildiou qui a touché la production. Devant une telle contrainte, l'Algérie décide de recourir à l'importation. Cette solution n'a pas, loin s'en faut, apporté les résultats tant attendus. Second phénomène : la hausse des prix de la poudre du lait sur le marché international n'a pas été sans conséquences sur le fonctionnement de la filière en Algérie. Le prix de la tonne de poudre est passé de près de 2 000 dollars, il y a deux ans, à 5 035 dollars US sur le marché international en 2007. L'approvisionnement des commerçants était irrégulier durant des mois. Avec une telle augmentation de la poudre, le sachet de lait devrait revenir à 39 DA, mais l'Exécutif a décidé de le maintenir à 25 DA pour le rendre accessible aux petites bourses. Les unités privées qui activaient encore ne fonctionnaient qu'à 50 ou 60% de leurs capacités. Cette filière dispose d'un large marché, la demande est évaluée à 3,5 milliards de litres/an. Cependant, le marché n'est couvert par la production nationale de lait frais qu'à hauteur de 57%. L'Algérie demeure donc parmi les premiers pays importateurs mondiaux de poudre de lait. Les usines publiques et privées ont une capacité de production de 2,7 milliards de litres, c'est- à-dire bien au-delà des capacités nécessaires au traitement du lait collecté ou importé. Face à cette tension sur le lait, l'Etat a créé l'Office du lait (Onil) qui a bénéficié d'une subvention estimée à 10,6 milliards de DA au titre de l'année 2007. Cette enveloppe représente, en fait, le différentiel entre le prix de revient réel d'un sachet de lait d'un litre et le coût administré fixé à 25 dinars. Badreddine KHRIS Energie : outre la signature d'une série de méga-contrats et une recette exportations record Sonatrach enregistre plus de 11 milliards de dollars d'investissements en un an L'année 2007 a été une année exceptionnelle pour Sonatrach. Elle a signé une série de méga-contrats correspondant à un engagement principalement de partenaires étrangers au total de l'ordre de plus de 11 milliards de dollars 2007. En mars, Sonatrach signe avec le consortium émirati Dubaï-Mubadala un contrat pour la réalisation d'un complexe de production d'aluminium à Béni-Saf. On estime l'investissement à 5 milliards de dollars. C'est le plus gros investissement de Sonatrach depuis sa création. En décembre, elle signe avec Total un contrat pour la réalisation d'un complexe de vapocraquage d'éthane à Arzew d'un montant de 3 milliards de dollars. Un arrangement est également conclu avec un consortium international pour la construction d'un complexe de méthanol à Arzew. La valeur de l'investissement est évaluée à 1 milliard de dollars. Par ailleurs, la compagnie pétrolière nationale conclut avec respectivement Orascom et l'omanais Suhail des accords pour la réalisation de deux complexes d'ammoniac. Le montant de l'investissement pour chaque complexe est estimé à 1 milliard de dollars. Tous ces investissements sont engagés en partenariat avec des compagnies internationales. Elles impriment un rythme d'investissement assez important au cours des cinq prochaines années. Sonatrach relance ainsi le développement de la pétrochimie nationale procurant à moyen terme de plus grandes recettes à l'exportation et une plus grande intégration de l'industrie nationale. Comme contrat majeur, Sonatrach a également confié à l'américaine KBR la réalisation du train géant de GNL de Skikda pour un montant de 2,8 milliards de dollars. À noter que Sonatrach prévoit 45 milliards de dollars d'investissement dans son plan de développement 2007-2011. Selon le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, 20 milliards de dollars seront engagés uniquement dans le secteur de la pétrochimie au cours des prochaines années. L'année 2007 a été marquée également par une recette record, jamais réalisée depuis l'indépendance du pays : 57 milliards de dollars au titre des recettes exportations hydrocarbures contre 54 milliards de dollars en 2006 et 2 milliards de dollars au titre de l'impôt sur les profits exceptionnels des associés. Ces entrées en devises exceptionnelles dûs principalement à des prix du pétrole élevés atteignant près de 100 dollars le baril en novembre dernier permettent entre autres d'assurer la poursuite du financement du plan de relance doté d'une enveloppe de 180 milliards de dollars et de réduire la dette publique. Au plan commercial, Sonatrach a également conclu en 2007 une série de contrats de vente de gaz : 6,5 milliards de mètres cubes/an à des compagnies italiennes (Enel, Edison, Mogest, Begas et World Energy) Qui va faire de l'Algérie le premier fournisseur de gaz de l'Itale avec un volume de 40 milliards de mètres cubes/an à partir de 2012, le renouvellement des contrats de GDF, les prolongeant jusqu'à l'échéance 2019, consolidant la place de l'Algérie parmi les premiers fournisseurs de la France. Si on inclut les accords de 2006, on peut dire que Sonatrach a fait presque le plein en signant une série d'arrangements qui permettent de “remplir” les gazoducs Medgaz, Galsi et l'extension du Transmed, le premier pipe reliant l'Algérie à l'Italie via la Tunisie, maintenant l'Algérie est ainsi à moyen long terme parmi les premiers fournisseurs de l'Union européenne. Revers de la médaille, le glissement dans les travaux de réalisation du projet de Gassi Touil, la transparence très insuffisante dans l'utilisation de l'argent du pétrole, l'inefficience dans la dépense publique hors hydrocarbures dans de nombreux cas. Autre incertitude : l'augmentation des exportations, le développement de la pétrochimie, la croissance économique exercent des pressions sur les réserves de gaz. Le niveau de ces accumulations permettront-ils de soutenir la hausse de la demande née de telles ambitions ? N. Ryad