La protestation est toujours de mise. Les enseignants mécontents ont choisi d'exprimer leur grogne hier en paralysant plusieurs lycées du pays. Par ailleurs, des élèves ont créé un mouvement spontané pour revendiquer l'allégement des heures d'études et revoir le programme scolaire. Plus déterminés que jamais, les professeurs du secondaire, une fois encore, ont adhéré au mot d'ordre de débrayage lancé par le Conseil national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Cnapest), qui avait appelé à la grève au lendemain de la finalisation du projet du statut particulier. Contestant son contenu, ils ont menacé de durcir le mouvement de protestation jusqu'à ce que leurs propositions soient prises en considération. Hier également, un grand nombre de lycées étaient mobilisés à travers plusieurs wilayas du pays. Selon les premières estimations, le taux de suivi a atteint les 90%. Un grand succès pour le Conseil national des professeurs de l'enseignement secondaire et technique qui a ouvert la saga de la contestation. Joint par téléphone, Larbi Nouar, secrétaire général du Cnapest, a exprimé sa satisfaction et annoncé les pronostics préliminaires de cette première journée de grève. “C'est un carton plein ; 100% à Bouira, Médéa, Annaba, Tlemcen, 90% à Skikda, 80% à Constantine, 60% à Ghardaïa, 20% à Oran… D'autres wilayas ont rejoint pour la première fois la mobilisation, comme ce fut le cas d'El-Oued avec 80% de mobilisation, Oum El-Bouaghi et Djelfa ont adhéré à 70%”, se réjouit-il. En outre, il a estimé que cette mobilisation prouve que les propositions de l'avant-projet du statut particulier concocté par le département de Benbouzid n'ont pas apaisé les esprits tourmentés des enseignants qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts. “Les enseignants avaient fondé leurs espoirs dans le statut particulier, mais c'est la grande déception. On ne peut pas continuer à travailler dans des conditions pareilles avec des salaires indécents. Les prix des produits de base ont doublé et même triplé et nos rémunérations restent inchangées”, s'indigne-t-il. Si la grève a été bien suivie dans la majorité des wilayas, la capitale n'était pas au rendez-vous. Seulement un lycée sur trois a répondu à l'appel. D'ailleurs, à Alger-Ouest, 22 sur 26 lycées ont adhéré et seulement 17 établissements secondaires ont suivi sur 51 à Alger-Est. Cela est dû, selon M. Nouar, à l'absence d'une section active du Cnapest à la capitale, s'ajoute à cela la présence d'autres syndicats sur le terrain comme le CLA. Signalons, par ailleurs, que dans certaines wilayas les deux autres paliers ont répondu à l'appel du Cnapest. Une tournée dans la capitale nous démontre la réalité des choses. Il est 10h. Pas un chat dehors, tout semble bien fonctionner aux deux lycées mitoyens Mokrani I et II de Ben Aknoun. Trois professeurs sont sortis de l'établissement secondaire Mokrani I et nous ont annoncé d'emblée : “Il n'y a pas d'arrêt de cours, les professeurs ont enseigné normalement.” Ils ont expliqué qu'un débat a eu lieu entre les professeurs sur l'adhésion au mouvement, puis ils se sont résignés à donner les cours. À quelques mètres de ces deux établissements secondaires, se trouve le lycée Amara-Rachid. Ici l'établissement est en ébullition. Les élèves dehors devant le lycée, à l'intérieur la grogne se fait entendre jusqu'au portail. “Désolé, mais il vous faut une autorisation pour accéder à la salle des enseignants, mais je peux vous dire qu'aucun n'a enseigné”, nous répond un agent de sécurité. De loin, on voyait les enseignants dans la cour. Il nous a fallu attendre 11h pour parler aux grévistes. Ils ont tous tenu le même discours : “Mal-vie, inflation, absence de conditions de travail et un avant-projet de statut particulier vide et décevant.” Pour ce qui est des travailleurs des établissements scolaires comme les agents et les surveillants, ils se disent non concernés par cette grève qui est destinée aux enseignants, mais ils promettent de participer massivement à la grève du 15 janvier prochain. “Le projet de loi du statut particulier nous offre rien, on a été lésés et marginalisés par ce dernier”, s'est indigné un surveillant. Cependant, une chose nouvelle a marqué cette grève : l'adhésion de certains lycéens au mouvement de protestation. Tout a débuté avec un mouvement spontané qui s'est créé au lycée Zineb-Oum-el-Masakine (ex-Saint-Elisabeth). Alors que le lycée n'a pas répondu à la grève, des lycéennes ont décidé de se mobiliser. “C'est un message au ministre de l'Education nationale. Nous ne sommes pas manipulées par nos professeurs, nous voulons que les heures de travail soient allégées ainsi que le programme afin de nous permettre d'étudier seules et de faire des exercices. Nous sommes devenues des automates entre la préparation des leçons, les cours de rattrapage et particuliers. Nous n'avons pas un moment pour la grande révision du bac”, a expliqué la meneuse du mouvement qui requiert l'anonymat. Signalons que ce mouvement s'est propagé rapidement à d'autres établissements scolaires comme ce fut le cas dans cinq lycées d'Alger ; Omar-Racim, Okba, Emir-Abdelkader, Garidi et Saïd Hamdine. “Trop, c'est trop ! On ne peut pas finir le programme. On n'a pas de répit et en plus on doit passer une épreuve de plus au bac, celle de la charia. Nous n'avons rien contre cette matière, mais nous sommes des scientifiques, on n'arrivera jamais à nous préparer à toutes les épreuves avec ce rythme. C'est de l'aberration”, se sont indignés les lycéens. Nabila Afroun