Secteur fermé par excellence, la justice tente de s'ouvrir aux médias en sensibilisant ses futurs magistrats sur l'importance de la communication. Introduits dans le cycle de formation avec le début de l'application des réformes de la justice, l'accès à l'information et les techniques de communication étaient des thèmes de conférence réservés uniquement aux magistrats en exercice. À partir de 2005, c'est devenu un module obligatoire pour les élèves magistrats de troisième année, apprend-on de la bouche du directeur de l'Ecole supérieure de la magistrature, lors d'un point de presse conjoint avec l'américain David A. Sellers venu faire une conférence à l'intention des élèves magistrats sur le sujet. “Vous savez que l'Algérie a procédé à une réforme de la justice, et cette réforme induit l'ouverture du secteur de la justice au citoyen. Le texte de procédure pénale a été modifié, et une de ses dispositions autorise expressément les magistrats du parquet à communiquer des informations à l'opinion publique. Les journalistes ont la possibilité d'accéder aux tribunaux pour la plupart des affaires, sauf celles relevant du secret d'Etat, des mœurs ou les affaires des mineurs. L'information institutionnelle est maintenant une nécessité pour notre pays. Les ministères, le Parlement, la justice sont appelés à communiquer pour éviter les rumeurs. La nature a horreur du vide. Une communication bien organisée permet l'adhésion du citoyen aux démarches de l'Etat”, explique le premier responsable de l'Ecole supérieure de la magistrature. À la question de savoir pourquoi cette ouverture n'est pas palpable sur le terrain, il répond que le travail se fait à la base : “Nous sommes en train d'investir dans les jeunes qui sont sensibilisés par rapport à cette question. Ces jeunes magistrats d'ici six mois seront dans les tribunaux. Ce sont des vagues de trois cents magistrats chaque année qui vont influencer, avoir leur mot à dire. Il y aura à l'avenir beaucoup de communication, de débat, pour informer l'opinion publique. Même au niveau du gouvernement, il y a un porte-parole qui, après chaque Conseil de gouvernement, informe l'opinion publique. Tout ça entre dans le cadre des réformes de l'Etat et des institutions. C'est une volonté publique, les directives du gouvernement que nous sommes en train de concrétiser”. Néanmoins, il est de ceux qui estiment que la justice est d'ores et déjà ouverte aux médias, par le biais “d'un procureur adjoint au niveau des tribunaux qui a pour mission de communiquer avec la presse”. Pour sa part, David Sellers, spécialiste américain dans l'information judicIaire, revient sur l'expérience de son pays dans le domaine en indiquant qu'il y a un équilibre à trouver entre le respect du secret de l'instruction et le droit d'être informé. “Nous devons respecter la liberté d'expression du journaliste et son droit de poser des questions et de faire des investigations. Mais en contrepartie, le juge n'est pas obligé de répondre à toutes les questions, de donner des détails sur certaines affaires.” Selon lui, la justice américaine est accessible aux médias, sauf pour certains dossiers relevant du secret d'Etat, des affaires de mœurs ou de mineurs. Il ajoute que des tribunaux ont même leur site Internet où l'on peut trouver les informations nécessaires. D'autres permettent aux journalistes de filmer. Ce n'est pas le cas pour les tribunaux fédéraux et la Cour suprême américaine, la question étant encore l'objet d'un débat houleux, précise M. Sellers. L'expert américain soutient, par ailleurs, en se référant à une récente étude que la plupart des Américains ne connaissent pas leurs droits constitutionnels et les noms des neuf magistrats siégeant à la Cour suprême. Les Etats-Unis restent quand même un pays où les scandales judiciaires font régulièrement l'ouverture des médias. Nissa Hammadi