La création du commandement militaire américain pour l'Afrique est loin d'obéir à des objectifs militaires, mais fait partie de la concurrence que livreront les Etats-Unis aux autres puissances, notamment la Chine, dans la bataille pour le contrôle des richesses du continent, plus particulièrement le pétrole. En gestation depuis le passage de Bill Clinton à la Maison-Blanche, l'Africom n'est pas, en fin de compte, un moyen destiné à faire la guerre, bien que la présence d'Al-Qaïda au Sahel le laisse penser, mais plutôt un outil pour la défense des intérêts américains dans le continent. Devant la cécité géostratégique des dirigeants africains, les stratèges américains ont mis au point cet organisme pour être présents en force dans cette partie du monde, qui représentera pour Washington un important fournisseur de pétrole dans les années à venir. C'est ce qu'a affirmé récemment l'économiste français, Michel Rogalski, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à Dakar, à l'occasion d'un colloque international sur les relations entre l'Europe et l'Afrique. Confirmant au passage l'imminence de l'accord entre les Etats-Unis et le Maroc, quant à l'installation de la base devant abriter le siège de l'Africom à Tan Tan, l'expert français dira : “Après avoir longtemps cherché un pays d'accueil pour son siège et essuyé plusieurs refus, dont ceux de l'Algérie, du Nigeria et de l'Afrique du Sud, il semble qu'un accord a été trouvé avec le Maroc qui accorderait à l'Africom une base dans le sud du pays.” Quant à l'aspect économique, il affirmera : “Dans dix ans, 25% du pétrole importé par les Etats-Unis viendra d'Afrique, contre 18% actuellement, dépassant déjà les quantités de pétrole importées du Moyen-Orient estimées à 17%.” L'Africom est avant tout un instrument de géopolitique pour contrôler le golfe de Guinée et ses richesses pétrolières, et aussi un moyen de compétition économique pour faire face à la Chine, l'Inde et l'Union européenne sur les marchés d'Afrique, ajoute cet économiste. L'importance du budget alloué par l'Administration Bush à l'Africom, et qui s'élève à pas moins de cinquante milliards de dollars, donne une idée sur la portée de sa mission, qui ne peut se résumer à une simple présence militaire sur le continent. Selon le conférencier, ce commandement “deviendra le point de passage obligé de la relation entre l'Afrique et les Etats-Unis avec une compétence extra-militaire affirmée”. Ceci est confirmé par le porte-parole du commandement militaire américain, Eric S. Elliott, qui reconnaît, dans un entretien accordé à Afrik.com, que “l'Afrique est devenue un continent stratégique, c'est le deuxième le plus peuplé de la planète. C'est un continent qui échange de plus en plus avec les Etats-Unis, notamment ses ressources naturelles, et nous souhaitons lui apporter notre aide face aux problèmes de développement qui sont les siens”. Il admettra également qu'“en matière de lutte contre le terrorisme, nous avons déjà le camp Lemonier (Djibouti) dont vous parliez tantôt. Africom devrait plutôt avoir des missions qui contribueraient à aider les pays africains à lutter contre le terrorisme. Quant au pétrole, il s'agit surtout d'en garantir et de protéger le libre accès dans le monde entier, et plus particulièrement en Afrique. Africom souhaite aider les pays africains à défendre leurs intérêts, celui d'exporter notamment leur pétrole". Voilà en réalité, ce qui fait courir les Américains, qui mettent en avant cette histoire de lutte contre le terrorisme pour détourner l'attention. K. ABDELKAMEL