C'est ainsi dans les pays autocrates. Les Russes s'apprêtent à plébisciter leur nouveau président dimanche 2 mars, et, une semaine avant le scrutin, le résultat est déjà annoncé sous la forme d'une gigantesque affiche devant le Kremlin. “Ensemble, nous gagnerons !” proclame l'affiche montrant Dmitri Medvedev, le successeur désigné de Vladimir Poutine, et ce dernier marchant à son côté, en veste d'aviateur, dans une annonce de leur future répartition des rôles : le premier au Kremlin, le second en Premier ministre. C'est la mécanique du jeu de chaises. La seule inconnue porte sur la viabilité du duo, et la manière dont le futur locataire du Kremlin, considéré comme plus libéral, gérera l'héritage de l'ancien agent du KGB, partisan des méthodes musclées. Poutine, sous le règne duquel la Russie a connu une croissance dynamique, 8% l'an dernier, et qui a réussi à la remettre en pole position sur la scène internationale, a déclaré le 14 février que “le pouvoir exécutif suprême dans le pays, c'est le gouvernement russe et le chef du gouvernement”. “Il n'y a pas deux, trois ou cinq centres du pouvoir en Russie, c'est le président qui dirige la Russie”, a rétorqué Medvedev, laissant apparaître un conflit potentiel. Donc ce n'est pas tant le scrutin lui-même qui est attendu mais ses lendemains lorsque le nouvel attelage se mettre en place. Qui sera nommé et qui sera limogé, c'est la question qui taraude les Russes et l'étranger. Contrairement à la campagne pour les législatives de décembre 2007, marquée par des piques anti-occidentales et des congrès populaires implorant Poutine de rester, celle pour la présidentielle est calme, voire invisible. L'opposant libéral et ancien Premier ministre Mikhaïl Kassianov a été empêché de s'enregistrer comme candidat et comme le parti libéral SPS, il appelle la centaine de millions d'électeurs russes à boycotter le scrutin ! Après des semaines de tergiversations, l'OSCE a annulé le 7 février sa mission en raison des restrictions imposées par les autorités russes. Les seuls observateurs occidentaux encore mobilisés, du Conseil de l'Europe, ont déjà estimé que la présidentielle pouvait difficilement être qualifié d'équitable au vu de la campagne. Très peu suivis, les débats télévisés, programmés à des heures indues, se déroulent entre le communiste Guennadi Ziouganov (9% d'intentions de vote), l'ultranationaliste pro-Kremlin Vladimir Jirinovski (7%) et l'obscur candidat pro-européen Andreï Bogdanov (1%). Medvedev, omniprésent aux informations télévisées et fort de sondages le créditant de 61% à 80% des intentions de vote, a justifié son refus de débattre en jugeant qu'il n'avait pas à prouver dans des débats sa supériorité sur ceux qui n'ont jamais dirigé le pays, dont les programmes sont vieillis et qui n'ont aucune chance de les réaliser ! D'ailleurs, il ne défend même pas son plan appellé “Plan Poutine”. Certains Russes, séduits par quelques notes libérales dans ses discours sur les droits de l'homme ou son credo du moins d'Etat dans l'économie, voient en lui un nouveau Mikhaïl Gorbatchev, le père de la perestroïka. Mais pour d'autres, ils ont le sentiment que c'est la première fois depuis la chute de l'URSS qu'on a décidé à leur place D. B.