Après dix mois seulement de présidence, Nicolas Sarkozy a perdu la confiance d'une majorité de Français, déçus par l'homme et sa pratique du pouvoir, selon les analystes, et s'installe dans une impopularité dont il assure malgré tout qu'elle ne l'empêchera pas de poursuivre ses réformes. Le retournement a été brutal pour M. Sarkozy, dont la nette victoire le 6 mai dernier avait débouché sur une période d'état de grâce et de popularité (plus de deux tiers des Français séduits) jamais vue depuis le général de Gaulle. La lune de miel a pâli dès l'automne, puis la popularité du président est passée sous les 50% en début d'année avant de continuer à dégringoler. Une première sanction concrète risque de tomber lors des élections municipales des 9 et 16 mars, où le parti de droite de M. Sarkozy, l'UMP, pourraît perdre le contrôle de plusieurs dizaines de villes au profit des socialistes. Selon un récent sondage, seul un Français sur trois fait désormais confiance à M. Sarkozy. Un autre sondage, paru lundi dans le quotidien Libération, souligne à quel point l'image personnelle de M. Sarkozy s'est dégradée, 74% des personnes interrogées estimant qu'“il ne se contrôle pas assez”. “C'est un désamour, une vraie défiance et même, dans une partie de l'opinion, un rejet épidermique”, relève Frédéric Dabi, de l'institut Ifop. “C'est une combinaison d'une grande déception et d'un sentiment de trahison”, explique le politologue Dominique Reynié. En lâchant le 8 janvier qu'il ne pouvait pas “vider des caisses déjà vides”, M. Sarkozy a brisé son image de dirigeant volontariste, qui avait promis d'être le “président du pouvoir d'achat”. Dans le même temps, il a étalé son bonheur avec l'ex-top model italienne, Carla Bruni, qu'il a épousée trois mois après son divorce d'avec Cécilia, et affiché son goût du luxe, ce qui lui a valu le surnom de président “bling bling”, en référence au clinquant des rappeurs américains. Pour l'éditorialiste du Monde Philippe Jaffré, l'impopularité de M. Sarkozy réside en grande partie dans le fait qu'“il sort du cadre de référence” français d'un président qui doit arbitrer, rassembler et s'occuper de l'essentiel. M. Sarkozy a reconnu un “décrochage”, dû uniquement, selon lui, “à des événements qui sont apparus dans ma vie et que j'ai dû gérer”. Pour essayer de remonter la pente, il a enchaîné déplacements et annonces. Mais il a déclenché de nouvelles controverses avec son insistance sur l'importance de la religion, qui a heurté les laïques, sa volonté de confier la mémoire des enfants juifs victimes de la Shoah à des écoliers de 10 ans — un tollé — ou sa tentative de remettre en cause le principe constitutionnel de non-rétroactivité des lois pour garder en prison des criminels dangereux, au grand dam des magistrats. L'opposition a fustigé son dérapage verbal (le “casse-toi, pauvre con”, lancé à un visiteur au Salon de l'agriculture), preuve de plus, pour elle, que M. Sarkozy abaisse la fonction présidentielle. Pour l'hebdomadaire Le Point, Sarkozy est désormais un “homme cerné” par “l'opposition, les juges, les intellos, l'opinion”. Il “ne manquerait plus qu'il devienne la cible de ses propres troupes”, ajoute l'hebdomadaire de droite, si les élections municipales tournent à la bérézina pour son camp. Face au flot de critiques, M. Sarkozy assure vouloir garder le cap des réformes, même si les nuages s'accumulent sur le front économique, avec l'atout de la durée, son mandat n'expirant qu'en 2012, sans risque d'une menace d'un changement de majorité parlementaire. Il a affirmé que son devoir n'était pas d'être populaire, mais de continuer à rester “hypéractif” pour “réveiller un pays qui sommeillait”, selon lui, avant son élection. R. I./Agences