“Nous soutenons le président Bouteflika pour un troisième mandat car nous ne voyons personne d'autre qui soit animé d'un grand esprit de patriotisme comme lui. Il a fait sortir le pays du gouffre.” Ainsi s'est exprimé le fils aîné, Ahmed Tidjani, du dernier descendant du cheikh Sidi Ahmed Tidjani, le fondateur, en 1782, de la tarika Tidjania. Nous l'avons rencontré au siège de la khalifa à Aïn Madhi (Laghouat) où il s'est montré plutôt loquace et communicatif. Des questions qui nous tenaient à cœur sont posées. Notre interlocuteur n'a pas mâché ses mots pour condamner les actes terroristes perpétrés par Al-Qaïda au Maghreb. “Nous condamnons toute forme de violence, encore plus le terrorisme que nous considérons comme une pratique importée et n'ayant rien à voir avec notre culture et nos traditions. L'intégrisme ne fait pas partie de notre idéologie qui s'inspire du respect de l'avis de l'autre et de la tolérance. Nous sommes des malékites et toute autre voie est étrangère à nos principes. Notre zaouïa, comme beaucoup d'autres, a toujours privilégié la voie pacifique. Cela ne nous a pas empêchés de défendre l'Algérie sur tous les plans avec les moyens possibles. Nous sommes aussi convaincus que le wahhabisme n'apporte rien de bon à notre société.” L'allusion est assez claire. Abordant la question de l'évangélisation constatée dans certaines régions du pays, il explique que le procédé utilisé par les propagandistes est simple : l'enseignement de la langue française dans l'église n'est qu'un prétexte pour attirer les jeunes. À la question de savoir quel rôle est joué par la zaouïa Tidjania qui a des ramifications solides dans une bonne partie de l'Afrique et un peu partout dans le monde, Ahmed Tidjani a confié que les bonnes relations avec des représentants de la Tidjania dans beaucoup de pays, notamment africains, ont permis de neutraliser des idées nuisibles à l'Algérie. “Nous intervenons par des campagnes de sensibilisation contre le mouvement intégriste. Notre champ d'action s'étale du Soudan à l'ouest de l'Afrique”, souligne-t-il. Il faut savoir, dans ce cadre, que des séminaires sont organisés à chaque fois que cela est possible, comme en 2006, alors qu'il est attendu la tenue du prochain dans le courant de cette année. Le descendant de Sidi Ahmed Tidjani a rappelé à l'occasion le rôle important tenu par la zaouïa dans l'Intifada palestinienne. De même qu'il n'y est pas allé avec le dos de la cuillère à propos des déclarations considérées comme hostiles d'Abdallah Djaballah vis-à-vis de la Tidjania. “C'est plus par décence et retenue que nous évitons de répondre à Djaballah car notre souci est d'éviter de nourrir la polémique. Si aujourd'hui on nous reproche notre soutien total au président Bouteflika, c'est que nous jugeons qu'il ne veut que du bien pour le pays, chose que nous partageons entièrement avec lui.” Sidi Ahmed Tidjani, fondateur de la tarika Tidjania, rappelons-le, est né en 1717 à Aïn Madhi, une source d'eau provenant des montagnes de Laghouat. Cette commune n'étant à l'époque qu'un douar de 350 maisons. Il entreprit dès l'âge de 21 ans un périple qui le conduira au Maroc, en Tunisie et en Egypte. Il enseigne le Coran qu'il a appris à l'âge de sept ans ainsi que les préceptes de l'islam. Ses enfants et ses petits-enfants ont poursuivi la même voie que leur ancêtre. Parmi eux, Sidi Ahmed Amar Tidjani a été fait prisonnier par les Français à Bordeau alors qu'il n'avait que 18 ans. En prison, il est chargé d'enseigner les principes de l'islam à la fille d'une fonctionnaire de l'Etat français, Aurélie, qu'il finit par épouser à l'âge de 19 ans. Sa femme qui a embrassé la religion musulmane est d'ailleurs enterrée dans le cimetière de ksar Kourdane, actuellement en ruine, où se trouve également le mausolée de Sidi Tahar Tidjani. Le ksar, classé patrimoine historique national, attend toujours une hypothétique subvention pour sa restauration. Tout comme l'hôtel situé en face de la khalifa générale de la tarika Tidjania. Un bel établissement destiné à héberger les invités de marque et des membres du gouvernement au cours des visites des lieux. L'hôtel n'est toujours pas équipé depuis que le président de la République a effectué une visite chez Abdeldjabar Tidjani. On dit que le président Bouteflika était déjà venu ici consulter le cheikh avant le premier mandat et qu'il avait reçu la bénédiction du khalifa. Dix générations de khalifs se sont succédé jusqu'à présent. ALI FARÈS