Une nouvelle approche institutionnelle du retour des migrants au pays est nécessaire. C'est l'une des principales recommandations d'une enquête, réalisée dans le cadre du projet Mirem, ou “Action collective de soutien à la réintégration des migrants de retour dans leur pays d'origine”, que viennent de publier le centre Robert-Schuman et l'Institut universitaire européen de Florence sur ce sujet. Basée sur près de mille entretiens réalisés auprès de migrants de retour au Maroc, en Algérie et en Tunisie, cette enquête identifie notamment les multiples facteurs qui expliquent les difficultés de réintégration des migrants dans leur pays d'origine. Pour ce qui est de l'Algérie, l'enquête, menée entre autres par M. Mohamed Saïb Musette, maître de recherche au Cread d'Alger, a concerné 332 migrants de retour, dans les wilayas d'Alger, de Béjaïa, de Sétif et de Tlemcen. La variable centrale retenue est celle liée à la nature du retour, à savoir un retour décidé (80% de l'échantillon) ou un retour forcé par les circonstances. Quatre types d'enseignements peuvent être tirés de cette enquête, qui sera présentée, le 11 mars prochain lors d'un atelier, par M. Mohamed-Saïb Musette. Tout d'abord, l'âge semble être un facteur important dans la décision du retour de plein gré. En revanche, les migrants jeunes sont le plus concernés par le retour contraint. Ensuite, l'expérience migratoire a contribué à un changement positif pour les migrants sur le plan matériel, mais elle a peu participé à la formation du capital humain. L'accumulation de ressources à l'étranger a permis d'améliorer significativement leur situation matérielle et financière au retour. L'examen du profil des migrants contraints au retour interrogés reflète l'image de jeunes citadins, notamment des couches moyennes ayant un certain niveau d'instruction, célibataires pour la plupart. La nature de la contrainte est complexe ; même si l'expulsion est le motif premier, elle renvoie aussi à l'obligation de retour pour des raisons familiales ou de santé. L'enquête révèle que les activités salariales n'occupent plus que 26% des migrants réinstallés en Algérie. Une plus grande attirance vers les activités libérales est observée. En effet, 26% des migrants ont investi dans des activités indépendantes. 11% ont créé leurs propres entreprises et travaillent en qualité d'employeurs. Les données du rapport confirment aussi le passage des migrants de retour des activités dites traditionnelles aux secteurs plus modernes qui requièrent un certain savoir-faire. Ainsi l'agriculture, la construction et la pêche ont perdu de leur attrait. L'hôtellerie et la restauration, l'éducation et plus particulièrement le commerce et l'artisanat ont été les secteurs d'activités les plus attractifs. Le document souligne qu'à leur retour, seuls 17% des migrants ont réalisé des projets d'investissement. Il est par ailleurs intéressant de signaler que 96% des migrants ont autofinancé leurs projets d'investissement. L'aide institutionnelle n'a profité qu'à seulement 21% des investisseurs. 77% ont eu recours à l'appui des membres de la famille. Les migrants de retour estiment que des mesures incitatives au retour et à l'investissement en Algérie passent essentiellement par l'allégement des procédures, le crédit bonifié, la mise à disposition de terrains. La famille est la principale source d'informations avant le retour (61% des migrants). 3,3% seulement ont cherché à s'informer auprès des organisations gouvernementales. Le rapport parle de désintérêt manifeste pour l'action des autorités publiques en matière d'appui à la réintégration des migrants de retour. Moins d'un migrant de retour algérien sur dix a bénéficié de l'appui des autorités. Les données de l'enquête indiquent que 35% de l'ensemble des migrants transféraient de l'argent en Algérie. 60% d'entre eux envoyaient plus de 500 euros. Parmi ceux qui envoyaient de l'argent, plus de 81% le faisaient de manière régulière. Seulement 28% des personnes de l'échantillon déclarent recevoir de l'argent de l'étranger. La fréquence de ces transferts est plutôt mensuelle (32%) et trimestriel (20%). Les montants sont aussi variables. Plus de 41% perçoivent des montants supérieurs à 1 000 euros, 29% entre 500 et 1 000 euros. Meziane Rabhi