Il n'existe pas de politique nationale encourageant le retour des Algériens résidant à l'étranger, constate l'étude du Cread. Contrairement aux idées reçues, les transferts de fonds des émigrés algériens vers leur pays enregistrent une croissance exceptionnelle après une baisse significative observée durant les années 1990. Le niveau atteint serait de 3 milliards de dollars en 2005. C'est du moins ce que révèle le rapport, “loin d'être exhaustif”, élaboré dans le cadre de réalisation du projet de recherche Mirem, Migration de retour au Maghreb, entre le Cread et l'Institut universitaire européen de Florence, par Mohamed Saïb Musette, chercheur au Cread, en collaboration avec le Dr Hocine Labdelaoui et Me Abderahmane Belhouari. Incontestablement, c'est un phénomène nouveau. “En effet, si l'on examine les données sur les transferts des migrants maghrébins de 1970 à 1990, il semblerait que les Algériens n'opèrent presque rien vers le pays de départ, comparés aux Marocains et aux Tunisiens”, relève l'étude. D'aucuns parlent alors de mythes des transferts ou encore de transferts exclusivement par voie informelle. La population migrante algérienne n'est pas d'installation récente à l'étranger. En théorie, il est admis qu'avec une longue durée d'installation, un regroupement familial et la prise de nationalité du pays d'accueil, le migrant aurait une très faible propension à opérer des transferts vers le pays d'origine. Cependant, en dépit des crises politiques violentes durant les années 1990 en Algérie, les transferts semblent reprendre le chemin de l'Algérie. “Actuellement, plus particulièrement au cours des dernières années, on observe une croissance exceptionnelle des transferts vers l'Algérie”, souligne le document en faisant remarquer que ces transferts s'opèrent dans une conjoncture où l'Algérie est prospère, avec une aisance financière historique et une baisse exceptionnelle du taux de chômage et du niveau de pauvreté. “Comparé aux pays voisins, le Maroc et la Tunisie, le niveau des transferts a connu des hauts et des bas durant les années 1990. Il était descendu à un niveau inférieur à celui de la Tunisie en l'an 2001. Puis, nous assistons à une hausse exceptionnelle qui s'est maintenue au cours des années suivantes. Le niveau a atteint près de 3 milliards de dollars en 2005. Ces transferts comprennent une fraction des valeurs monétaires des biens des migrants de retour vers l'Algérie”, précise le rapport. De plus, cette hausse des transferts des migrants s'accompagne par une nouvelle dynamique de retour des migrants. Un constat intéressant d'autant que le migrant algérien n'est plus seulement dans la situation de salarié ; il est devenu employeur de plus en plus qualifié, naturalisé pour la plupart dans les pays d'accueil, et souvent en famille. “Ce qui semble surprendre les pouvoirs publics”, estime l'étude. Malheureusement, cette dynamique de retour n'est pas prise en charge politiquement. “Il semble, à première vue, que l'Algérie ne possède pas de programme ni de stratégie pour la migration de retour. On est même tenté d'affirmer qu'il n'existe pas de politique migratoire en Algérie”, regrettent les auteurs du rapport. Pour preuve, avancent-ils, “le fait que le mandat du ministère délégué à la Communauté nationale à l'étranger n'ait connu que quelques années d'existence. Par ailleurs, le portefeuille de ce ministère est resté vacant durant près de deux ans. Finalement, cette délégation ministérielle a disparu dans la configuration actuelle du gouvernement algérien”. Les migrants algériens reviennent ainsi “volontairement” au pays dans une conjoncture d'absence “apparente” de dispositif de retour ni dans le pays d'origine ni dans les pays d'accueil. “Les deuxièmes générations de migrants algériens, français de naissance et de nationalité, trouvent des opportunités exceptionnelles en Algérie, avec une grille attractive de salaires des expatriés”, explique l'étude qui insiste sur la nécessité d'une nouvelle stratégie migratoire et, pourquoi pas, un département ministériel pour la communauté nationale à l'étranger dans le prochain gouvernement. En tout état de cause, un atelier technique sur les derniers résultats de l'enquête de M. Mohamed Saïb Musette est prévu le 17 juin prochain au Cread. Le rapport, affirme-t-il, “est ainsi une modeste contribution à introduire la problématique de la migration de retour, telle que l'Algérie l'a élaborée et mise en œuvre dans sa stratégie de gestion de la migration internationale”. Synthèse M. Rabhi