Le magistrat a clos la séance en fixant la date de la prochaine audience au 1er avril prochain à 10 heures. L'heure de vérité a sonné hier pour Abdelmoumen Rafik Khelifa au tribunal de Wesminster à Londres où un juge britannique a entamé l'examen de la demande de son extradition vers l'Algérie. Sa comparution, la première d'une série d'auditions, a commencé à 15 heures avec une heure de retard sur l'horaire prévu. Outre les avocats de la défense et de la partie civile, les représentants du département de Tayeb Belaïz dont le directeur des affaires juridiques ainsi que des responsables de l'ambassade d'Algérie à Londres étaient présents à l'audience. Le mis en cause est apparu dans le box des accusés derrière une baie vitrée accompagnée d'une traductrice. Khelifa avait l'air quelque peu négligé dans son costume gris et sa chemise blanche pendante au dessus de son pantalon. Le juge s'est adressé d'abord à lui afin de confirmer son identité. “Yes”, s'est contenté de répondre le milliardaire déchu à l'évocation de son nom. Ensuite, la parole a été donnée à Hugo Keith, un des membres du collectif d'avocats représentant le ministère algérien de la Justice pour lire devant l'assistance l'intitulé et les termes exacts de la demande d'extradition. M. Keith a fait une révélation de taille en affirmant que la requête date du 24 octobre 2007. Par la suite, l'avocat a exhibé un document de 350 pages ou les autorités algériennes ont transcrit toutes les preuves prouvant la culpabilité de Rafik Khelifa. “L'Algérie a présenté un dossier solide”, a observé M. Keith. En l'écoutant narrer les faits dont il est accusé, Khelifa a esquissé un sourire ironique. Paraissant souvent lointain et absent, l'ex-golden boy adressait parfois des clins d'œils entendus à son avocate. Il faisait aussi des grimaces et baillait en signe d'ennui. Il lui est même arrivé de fermer les yeux succombant à un désir ardent de faire une petite sieste. Pendant ce temps, l'audience se poursuivait. Après la partie civile, la défense a pris la parole pour contester le fondement de la requête d'extradition. Un des avocats de Khelifa a même douté de la foi des documents traduits de l'arabe à l'anglais. Très attentif aux différentes plaidoiries, le juge a admis à la fin de la séance que l'affaire est compliquée et demande un examen approfondi. Il a même suggéré à la défense de présenter des témoins si elle en dispose. Le magistrat a clos la séance en fixant la date de la prochaine audience au 1er avril à 10 heures. Cette fois-ci, Khelifa pourra suivre les débats à partir de sa cellule via une téléconférence. Abdelmoumen Khelifa comparaît ainsi devant la justice britannique une année, presque jour pour jour, après sa condamnation par contumace, à la prison à perpétuité par le tribunal criminel de Blida, au terme du procès sur le scandale financier d'El Khalifa Bank. Alors qu'une certaine confusion commençait à se faire sentir autour de la genèse de la demande d'extradition de l'Algérie, des sources judiciaires à Londres ont affirmé, samedi dernier, qu'elle remonte à 2004, conformément à un mandat d'arrêt international lancé contre l'ex-golden boy — déjà réfugié dans la capitale britannique — pour fraude, blanchiment d'argent, criminalité transnationale, vol et fuite. Selon ces sources, la requête qui a obtenu l'aval de la justice britannique en décembre dernier, a été renouvelée en 2006, suite a la signature de l'accord d'extradition entre l'Algérie et le Royaume-Uni. La lenteur dans l'examen de la recevabilité de la demande de la justice algérienne par les magistrats anglais tranche avec la promptitude qui a distingué le traitement d'une requête similaire présentée par la France. Le 5 mars 2007, le tribunal de Nanterre en Seine-Saint-Denis, dans la région parisienne, délivrait un mandat d'arrêt européen contre Khelifa. 15 jours plus tard, la brigade économique de Scotland Yard interpellait le mis en cause. Mis en liberté provisoire, le patron déchu est retourné très vite en prison. Moins de six mois plus tard, le 27 août 2007, le juge Antony Evans du tribunal de Westminster donnait son accord pour l'extradition du détenu vers la France. Khelifa devait être entendu par la justice française dans le cadre d'une information judiciaire sur la banqueroute frauduleuse de l'empire éponyme et de ses filiales domiciliées en France. Mais à l'évidence, cette éventualité est désormais lointaine. De fait, la recevabilité de la demande de livraison de Khalifa à l'Algérie, sursoit la décision de le remettre à la justice française. Mais rien ne dit encore que Khelifa sera renvoyé manu militari en Algérie. Les auditions qui ont commencé hier ont pour objectif de convaincre le tribunal de Westminster que l'ancien milliardaire est bel et bien coupable des crimes pour lesquels la justice de son pays l'a condamné. Il a été entendu, à titre préliminaire, en janvier dernier. D'ores et déjà, ses avocats prévoient de faire appel au cas où la demande d'extradition serait acceptée. Un délai de 10 jours leur est accordé pour contester le verdict. De son côté, le tribunal dispose d'une période de 40 jours pour examiner l'appel. Les rumeurs les plus farfelues circulent à propos de ruses que Khelifa entend utiliser pour échapper à l'extradition. Des voix rapportent qu'il aurait l'intention de convoler en justes noces avec une ressortissante britannique afin de jouir d'une disposition de la loi, interdisant la séparation d'un couple. L'ex-milliardaire a fui à Londres en 2003. Pendant plusieurs mois, il a continué à mener une vie dorée grâce à des ressources financières disséminées dans plusieurs comptes en banque. S. L.-K.