Le juge et les avocats des deux parties se sont donné rendez-vous le 24 avril prochain pour fixer la date de la prochaine audience au cours de laquelle commencera le traitement du fond de la requête de livraison. Le juge Timothy Walkman du tribunal de Westminter à Londres s'est prononcé hier favorablement sur la forme de la demande d'extradition exprimée par les autorités algériennes à l'encontre de Abdelmoumen Rafik Khelifa. Au cours d'une troisième audience expéditive, tenue dans l'après-midi en présence de l'inculpé, de nombreux journalistes et de représentants de l'ambassade d'Algérie à Londres, le magistrat s'est dit globalement satisfait des termes de la requête de livraison. Commentant la nature juridique des griefs retenus contre l'ex-milliardaire, il a affirmé que la demande de transfert est fondée sur des accusations que la justice algérienne engage à prouver à travers la convocation d'un nouveau procès après le retour de Khelifa en Algérie. En dépit des réserves exprimées par la défense, M. Walkman a, en outre, qualifié les mandats d'arrêt émis par le tribunal de Chéraga à Alger en 2003 et en 2005 comme recevables. Le second point, discuté par la cour hier, concerne la programmation de la prochaine audience qui devra inaugurer la phase relative au traitement du fond de la demande d'extradition. Compte tenu de l'emploi du temps chargé du tribunal, le juge et les avocats se sont donné rendez-vous jeudi prochain pour fixer une date probablement en juin ou en juillet. Estimant que son client est en détention depuis trop longtemps, Me Branden a demandé au juge de lui accorder la liberté provisoire. Cette requête, qui devra être examinée au début de l'été, risque néanmoins de ne pas aboutir car l'emprisonnement de Khelifa intervient dans une toute autre affaire d'extradition impliquant la justice française. La prochaine étape dans le traitement de la requête de livraison exprimée par l'Algérie est cruciale. Car, il s'agira de prouver si le dossier d'inculpation de l'ex-golden boy est assez consistant pour le renvoyer devant la justice de son pays. “Les débats autour de la forme de la demande étaient des escarmouches préliminaires avant que la véritable bataille commence”, a fait remarquer Me Branden aux journalistes à l'issue de l'audience. Sa collègue Ana Rothwell et lui se préparent d'ores et déjà à demander le réquisitoire ciblant leur client. En ce sens, leur stratégie consiste à faire admettre au juge que les crimes dont il est accusé sont le paravent d'une conspiration politique dont il est le bouc-émissaire. Bien évidemment, cette version des faits est complètement rejetée par la défense de la partie civile. Hugo Keih, le représentant de la justice algérienne au tribunal, considère que Khelifa est l'auteur de délits suffisamment graves et incontestables qui justifient largement son extradition. Lors de la dernière audience, la défense de Khelifa avait enfoncé le clou en s'attaquant à la forme du dossier d'extradition. Anna Rothwell et son porte-parole au tribunal, Ben Branden ont tenté de convaincre le juge de l'inconsistance et des carences qui distinguent la requête des autorités algériennes. Ils avaient insisté notamment sur l'imprécision juridique des griefs retenus contre leur client. Selon eux, les autorités algériennes se contredisent en affirmant d'une part, que la demande de livraison repose sur les charges très graves retenues contre lui par le tribunal criminel de Blida en mars 2007, et d'autre part, s'engagent si besoin est, à le rejuger, après son transfert sur le territoire algérien. L'éventualité de la convocation d'un nouveau procès est une faille que les deux avocats de la défense ont exploitée pour remettre en cause la crédibilité des crimes dont l'ex-golden boy est accusé. L'identité controversée de la partie émettrice de la demande de livraison est la seconde réserve exprimée par Anna Rothwell et son collègue devant le tribunal de Westminster. À leur avis, l'implication directe du pouvoir exécutif, à travers le département de Tayeb Belaïz dans le lancement et le suivi de la procédure d'extradition, est compromettante. Ils estiment, en effet, que ce genre d'exercice est du ressort exclusif des magistrats. Enfin, l'absence d'un mandat d'arrêt en bonne et due forme devant accompagner la requête de livraison est l'enième déficience que les défenseurs ont pointée du doigt. La chancellerie a fait transmettre à la justice britannique deux mandats d'arrêt. Or, ils sont antérieurs à la signature de la convention d'extradition entre l'Algérie et le Royaume-Uni en 2006 et n'ont donc aucune valeur. La détention de Khelifa depuis près d'une année dans une prison au sud de Londres est uniquement le résultat de l'exécution par Scotland Yard d'un mandat d'arrêt européen diffusé par un magistrat parisien dans le cadre de l'ouverture d'une information judiciaire contre la faillite frauduleuse des filiales du groupe Khalifa, se trouvant en Hexagone. La partie algérienne a réagi aux attaques de la défense, par le biais de l'APS, en estimant que les avocats du milliardaire déchu se concentrent sur la forme de l'extradition pour retarder au maximum l'examen de son fond. Se disant très confiantes, les autorités algériennes estiment que le contenu du dossier est très solide et a toutes les chances d'aboutir. S. L.-K.