“Pour l'instant, il s'agit pour moi d'achever correctement mon deuxième mandat en espérant atteindre tous les objectifs que je m'étais fixés et qui faisaient l'objet de mon programme électoral”, a déclaré Bouteflika, peut-être pour bien signifier qu'il faudrait, d'abord pour lui, terminer ce qu'il a commencé avant de prétendre à autre chose. Pour la première fois, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, aborde franchement, dans une interview qu'il a accordée ce mercredi à l'agence de presse Reuters, la question de l'amendement de la Constitution et le troisième mandat. Une interview qui vient surtout, dirions-nous, pour recadrer le débat politique autour d'une hiérarchisation des préoccupations où l'option “se maintenir au pouvoir” ne semble pas pour le moment être une priorité présidentielle. Toutefois, le chef de l'Etat donne des pistes intéressantes qui peuvent concourir à dire qu'Abdelaziz Bouteflika compte vraisemblablement réunir les conditions les meilleures, susceptibles de lui offrir la bonne opportunité, pour annoncer officiellement ses intentions de briguer de nouveau la magistrature suprême. “Pour l'instant, il s'agit pour moi d'achever correctement mon deuxième mandat en espérant atteindre tous les objectifs que je m'étais fixés et qui faisaient l'objet de mon programme électoral”, a déclaré Bouteflika, peut-être pour bien signifier qu'il faudrait d'abord, pour lui, terminer ce qu'il a commencé avant de prétendre à autre chose. Ainsi, le président de la République ne croit pas si bien dire, en insistant sur “les objectifs à atteindre”. Car l'état d'avancement des chantiers qu'il avait lancés est loin d'être gratifiant pour un programme électoral qui a était fixé à l'échéance 2009, entre autres, la construction d'un million de logements ou encore la création d'un million d'emplois... Pour Bouteflika, il est donc trop tôt de parler de la prochaine élection présidentielle. Mais “que des organisations ou des partis politiques se préoccupent déjà” de cette élection présidentielle, Bouteflika n'y voit que “la manifestation de l'intérêt que la population et la classe politique apportent à la vie politique et au devenir du pays”. Une manière pour le chef de l'Etat de ne pas désavouer la campagne menée en sa faveur depuis quelques mois par le FLN et ses organisations satellites. Bien mieux, “c'est une preuve de maturité politique dont je ne peux que me réjouir”, a-t-il répondu au journaliste de l'agence Reuters. Reste à savoir si le président de la République aurait été dans les mêmes dispositions à l'égard de cette campagne si elle avait été menée par le FLN pour une personnalité autre que lui ? Ceci pour dire que si Bouteflika met un peu de distance avec les animateurs de la “ouhda taletha”, il ne les désapprouve pas pour autant et n'en compte pas moins rentabiliser cette campagne le moment venu. D'autant mieux qu'il défend subtilement les points forts du programme électoral pour lequel il avait été réélu à la présidence de la République. Bouteflika, n'est-ce pas, saura mettre à profit ces points forts pour faire valoir l'idée que désormais l'Algérie avait regagné sa place légitime dans la communauté internationale depuis 1999, date de sa première élection, et que les moments sombres du terrorisme sont derrière nous. Deux arguments de poids susceptibles de faire la différence quand il s'agira de faire le bilan de dix années de règne. “L'Algérie a traversé les épreuves tragiques d'un terrorisme aveugle et brutal durant les années 1990. Elle s'en est sortie victorieuse et renforcée. Elle a récupéré progressivement, depuis 1999, la place qui est la sienne dans le concert des nations”, a dit le président au journaliste de Reuters. Non sans préciser que “les derniers attentats en Algérie ne sont que la manifestation du désarroi et du désespoir d'un terrorisme qui tente de prouver encore sa présence et sa nocivité”. Pour Abdelaziz Bouteflika, il est juste “de dire que le terrorisme a été vaincu”. Une telle sentence est déclinée franchement par le président de la République comme l'une des plus belles promesses électorales qu'il a réussi à tenir. On se souvient qu'en 1999, les observateurs avaient volontiers parlé de vote refuge... de vote contre le terrorisme. En filigrane transparaît l'idée de la réconciliation nationale comme un facteur de réussite d'une politique sécuritaire qui est arrivée à réduire la violence subversive à sa portion congrue. Dans la foulée, Abdelaziz Bouteflika sortira un autre atout de sa manche pour signifier, lui qui a toujours clamé qu'il ne voulait pas être “un trois quarts de président”, que “l'armée, il est vrai, a joué un rôle très important dans la vie de notre pays tout en respectant le cadre qui lui a été fixé par la Constitution. Ce rôle décroît en importance à mesure que les institutions politiques du pays se renforcent et gagnent en efficacité pour prendre entièrement en charge leurs responsabilités”. Et de souligner que “l'armée est ainsi appelée à devenir une armée professionnelle, comme cela a déjà commencé à se faire, conformément aux orientations de notre politique”. Enfin, le chef de l'Etat s'est attelé ensuite à balayer d'une main toutes les spéculations, quant à ses capacités physiques à assumer ses charges présidentielles, et il y a tout lieu de croire que Bouteflika a décidé d'enlever, une fois pour toutes, cet argument massue, capable de tout remettre en cause, à ses adversaires et plus particulièrement à ceux qui s'opposent à son maintien au pouvoir au motif qu'il est malade. Répondant par écrit aux questions qui lui avaient été adressées, il a indiqué avoir repris une activité normale après sa maladie, fin 2005. Bouteflika, rappelons-le, a subi en avril 2006 des examens médicaux en France et y avait été opéré en décembre de l'année précédente d'un ulcère hémorragique à l'estomac. “Tout le monde sait que j'ai été malade et que j'ai dû suivre une convalescence sérieuse”, a-t-il reconnu, pour affirmer ensuite : “Mais, maintenant, j'ai repris mes activités normales et je ne pense pas que mon état de santé doive encore susciter des commentaires ou des supputations plus ou moins fantaisistes.” Le décor semble se mettre en place, reste peut-être que certains clignotants socioéconomiques passent au vert pour que la machine se mette en branle. Est-ce à dire que le sort d'un troisième mandat reste entre les mains de l'Exécutif dirigé par Belkhadem ? Zahir Benmostepha