À une question de l'agence Reuters sur l'éventualité d'un troisième mandat, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, aura une réponse qui pouvait suggérer que tout n'a pas marché comme il le voulait. “Pour l'instant, il s'agit pour moi d'achever correctement mon deuxième mandat en espérant atteindre tous les objectifs que je m'étais fixés et qui faisaient l'objet de mon programme électoral”, devait dire Bouteflika. Aujourd'hui 8 avril, le chef de l'Etat vient de boucler neuf années de règne. L'Algérie est toujours en chantier à une année de la fin de son second mandat. Un constat qui constitue paradoxalement l'argument massue des partisans de sa candidature à la prochaine élection présidentielle. “Il faut permettre au Président d'achever ce qu'il a commencé, il est le seul à pouvoir le faire”. Curieusement, c'est ce même constat qui sert d'argument à ceux qui veulent lui barrer la route pour un nouveau mandat. “C'est l'échec du programme électoral du Président”. Le verrou constitutionnel que Abdelaziz Bouteflika doit impérativement faire sauter pour prétendre concrétiser l'ambition qu'on lui prête vient compliquer la tâche, et constitue aujourd'hui un cheval de bataille pour ses détracteurs. Disons d'emblée que pour son second mandat, Abdelaziz Bouteflika avait placé la barre très haut. Deux millions de chômeurs en moins, un million de logements en plus, autoroute Est-Ouest, modernisation et extension de voies ferrées, métro dans la capitale et tramway dans les principales villes du pays, réalisation de grosses usines de dessalement de l'eau de mer d'une capacité globale de plus de 2 millions de mètres cubes/jour, pour mettre un terme à la pénurie d'eau potable, réalisation de ports et d'aéroports… Tout cela et bien d'autres projets devraient en principe être ficelés à l'échéance 2009. Il faut dire aussi que le chef de l'Etat n'a pas lésiné sur les moyens financiers, à la faveur d'une conjoncture inespérée des prix du baril de pétrole, pour moderniser les infrastructures du pays et améliorer les conditions de vie des populations, puisqu'il a consacré à ce programme plus de 100 milliards de dollars. Le développement des Hauts-Plateaux et le sud du pays a bénéficié également d'une attention particulière. Reste donc à savoir si le retard dans la réalisation de ce programme va constituer un handicap pour Abdelaziz Bouteflika ou bien, au contraire, une donne secondaire qui ne devrait pas influer sur la justesse de vue du long terme du président de la République, étant dit qu'une économie ne peut décoller sans des infrastructures performantes, comme le chemin de fer, les ports, les aéroports, les autoroutes… Nombreux donc sont les partisans d'un troisième mandat qui transforment cette donne en atout. Ce qu'ils n'arrivent pas par contre à faire avec les promesses de l'emploi et du logement, par exemple de surcroît parce que ces deux facteurs sont en prise directe avec une population à majorité jeune qui n'arrive toujours pas à toucher du doigt les efforts faits en ce sens par l'Etat. Ainsi, ce talon d'Achille du programme présidentiel est fructifié par les opposants à travers des phénomènes qui commencent à prendre des proportions alarmantes comme celui de la recrudescence de la petite délinquance, du phénomène des harragas ou encore celui du suicide. L'autre front sur lequel est attaqué le président de la République, c'est incontestablement celui du pouvoir d'achat, de la paupérisation de plus en plus prononcée d'une large frange de la population qui jure avec la richesse du pays et un climat des affaires encore contraignant qui réduit l'afflux des investissements par la faute d'un accès problématique au foncier, d'un système bancaire en retard et d'une administration lente et gangrenée par la corruption. Sur ces fronts, les objectifs du Président semblent effectivement contrariés. Ce n'est donc pas sans raison, croyons-nous savoir, que le président de la République a décidé de prendre en main en personne les rênes de l'équipe exécutive. En effet, Abdelaziz Bouteflika, selon les informations en notre possession, va présider un Conseil des ministres qui se tiendra chaque semaine, à la suite du Conseil de gouvernement. En ce sens, il est à penser que le chef de l'Etat compte imprégner une cadence d'enfer à l'Exécutif, avec un suivi de tous les instants. Dans cette veine, Bouteflika procédera sûrement à un remaniement ministériel qui disqualifiera les détenteurs de portefeuilles défaillants. Cette dernière année du deuxième mandat de Bouteflika s'annonce décisive pour le succès du chef de l'Etat dans la prochaine présidentielle si, bien sûr, sa candidature se confirme. Une année pour convaincre de l'amélioration des conditions de vie des Algériens, mais aussi et surtout que le pays est désormais sur la voie du développement durable qui va lui permettre de s'affranchir de la dépendance des hydrocarbures. Réussira-t-il son pari ? Zahir Benmostepha