La désunion arabe n'aura jamais été aussi prégnante que pour le 20e sommet dont les travaux s'ouvrent samedi à Damas. Le sommet arabe, dont la Syrie abrite la 20e session les 29 et 30 mars courant, a-t-il échoué avant même que d'être ouvert? C'est l'impression qui prévaut après la cascade de bouderies envers Damas. Alors que le Liban - dont la crise politique qui le secoue depuis plus d'une année devait constituer le noyau de l'ordre du jour du sommet arabe - a annoncé officiellement, mardi, le boycott de la réunion de Damas, d'autres pays arabes, à leur tête l'Arabie Saoudite, enverront à Damas des délégations de faible niveau. Ce «retrait» de confiance à la Syrie enlève, d'ores et déjà, toute portée aux décisions et résolutions que le sommet de Damas serait amené à prendre. Cela d'autant plus que figurent, à l'ordre du jour des assises arabes, outre la question toujours en suspens du dossier palestinien et les suites qui pourraient être données à l'initiative arabe - rejetée rappelle-t-on par Israël - les situations en Irak, en Somalie, aux Comores et au Soudan (la question du Darfour), en sus de l'examen de questions liées à l'action arabe commune aux différents plans politique, économique et social. Notons toutefois l'absence - dans l'ordre du jour du sommet soumis hier aux ministres arabes des Affaires Etrangères arabes - de toute référence à la crise politique libanaise, pourtant point nodal sur lequel devaient se pencher les monarques et chefs d'Etat arabes. Aussi, est-il sérieux de prendre des décisions - qui pourraient engager le monde arabe - lors d'un sommet amputé de la présence des leaders arabes les plus actifs sur le plan arabe et international? Ce n'est pas la déclaration du chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem - le 20 mars lors d'une conférence de presse avec son homologue russe, Sergueï Ivanov - qui affirmait: «Il est clair que les Etats-Unis ne sont pas satisfaits de la tenue du sommet à Damas sous le signe du renforcement de la solidarité et de l'action arabe communes» qui fera illusion. Et M.Mouallem d'assurer: «Le sommet se tiendra à Damas à la date prévue en dépit des tentatives de chantage». Certes! Mais pour quels objectifs? Quels objectifs, en effet, s'assigne un sommet où seront absents l'Arabie saoudite, qui n'enverra à Damas que son représentant permanent auprès de la Ligue arabe, Ahmed Qattan, l'Egypte, représentée à un faible niveau en la personne du ministre des Affaires juridiques et parlementaires, Moufid Chéhab, comme l'a annoncé hier au Caire le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Abou Gheït, ou encore le Liban qui a décidé de boycotter le sommet. Selon un responsable saoudien, qui s'exprimait, sous l'anonymat, à une agence de presse, «le bas niveau auquel le Royaume sera représenté au sommet arabe (...) témoigne de la détérioration actuelle dans les relations entre Riyadh et Damas». Et ces tensions ne sont pas faites pour conforter l'unité des rangs arabes. Par ailleurs, dans un communiqué publié mardi à Beyrouth, le Conseil des ministres libanais, confirmait la non-participation du Liban au sommet de Damas. Le ministre libanais de l'Information, Ghazi Aridi a expliqué à ce propos que «Le Conseil des ministres réaffirme que le Liban doit être représenté à n'importe quel sommet par un président de la République, que les Libanais refusent d'accepter le statu quo actuel et que le Liban subit une injustice». Notons que la session parlementaire prévue pour le 25 mars a été reportée, lundi, pour la 17e fois depuis septembre dernier. Une nouvelle session doit avoir lieu le 22 avril. L'amertume des Libanais s'explique par le fait que depuis six mois, ils ne parviennent à pourvoir le poste de président, vacant depuis le 24 novembre 2007. Le Liban qui était la vitrine du monde arabe dans les années 70 - l'arbre qui cachait la forêt - est depuis rentré dans les rangs. Peut-il en être autrement dans un monde arabe où la démocratie, la liberté d'expression, les notions de droits de l'Homme et de citoyenneté y sont minorés, sinon absents? A Damas, une nouvelle fois les Arabes se feront surtout remarquer par leur inconstance, leur immaturité politique qui ne leur ont pas permis de défendre comme il se devait les dossiers arabes devant l'opinion publique mondiale, plus singulièrement la question palestinienne, alors que le peuple palestinien vit un déni de justice et de droit depuis maintenant 60 ans. Toutefois, occupés à conforter un pouvoir personnel, les dirigeants arabes n'ont jamais eu le temps, en vérité, de se pencher sur les vrais problèmes qui sont ceux du monde arabe et de leur apporter les solutions qu'ils réclament. Il était patent que des sujets comme les réformes des institutions des Etats arabes, la mise à niveau de la Ligue arabe - phagocytée par l'Egypte qui y règne en maître depuis 53 ans (à l'exception de la parenthèse tunisoise) - l'ouverture démocratique ne constituaient pas l'urgence de l'heure pour les responsables arabes. De fait, ces thèmes, pourtant récurrents, ne figurent pas à l'ordre du jour du sommet de Damas. Aussi, la boucle est ainsi bouclée et l'on se surprend à se demander si les Arabes ont encore quelque chose à se dire.