Ce sommet, d'ores et déjà, promet d'être particulier. En vérité, le 14e Sommet arabe, qui s'ouvrira mercredi à Beyrouth, quoique ordinaire, sort quelque peu des normes traditionnelles pour devenir l'attraction de la presse mondiale. Et pour cause! On va y discuter de paix, certes! Mais cette fois-ci l'on semble accorder quelques crédits à un projet de paix arabe. Cela d'autant que cette initiative est attribuée au prince héritier saoudien, Abdallâh Ben Abdelaziz, lequel dirige de fait le royaume saoudien, depuis la diminution des activités du roi Fahd pour maladie. Une fois n'est pas coutume donc, les feux de l'actualité seront braqués sur un sommet arabe qui, délaissant ses habituels états d'âme, prendra en charge le problème récurrent qui interpelle les Arabes. A Beyrouth, les Arabes vont-ils parler d'une seule voix, parler peu, mais surtout agir bien et si possible efficacement? C'est en tout état de cause la gageure que les Arabes se doivent de relever pour, à tout le moins, donner d'eux une toute autre image que celle qui leur colle à la peau. Aussi, l'initiative du prince Abdallâh pour le Proche-Orient, la situation de l'Irak face aux menaces américaines, offrent-elles l'occasion aux dirigeants arabes de se réconcilier avec leurs peuples? L'initiative de paix saoudienne, et surtout l'impact qu'elle eut au plan international, avait quelque peu bousculé un ordre du jour certes chargé, tant les autres points soumis à l'examen des souverains et chefs d'Etat arabes étaient tout aussi importants. On a souvent reproché aux dirigeants arabes leur inefficacité et leur manque de tonus. Vont-ils à Beyrouth, faire enfin un sort à cette réputation? De fait, avant même que le sommet ne s'ouvre, des rumeurs circulaient ici et là sur les «possibles» absences de certains chefs d'Etat, le boycott des uns, la bouderie des autres. Cependant, à l'heure ou nous écrivons ces lignes, la seule certitude, à moins d'un retournement, de dernière minute, est le probable empêchement du président Arafat de se rendre à Beyrouth, comme l'a annoncé, hier à la radio, le chef du gouvernement israélien Ariel Sharon, qui réaffirma que Arafat «n'ira nulle part tant que la violence se poursuit dans les territoires», même si sous la pression internationale, ce qui reste peu probable, Yasser Arafat peut se rendre à Beyrouth, où il n'est plus revenu depuis son départ de la capitale libanaise en 1982, subsiste cependant la menace de Sharon d'interdire au président palestinien de retourner dans les territoires autonomes. Le dilemme! Maintenant pour ce qui est du projet saoudien, en dehors de tout texte officiel, les spéculations vont bon train et rien de vraiment tangible n'est venu ces dernières heures donner des indications sur ses tenants et aboutissants. Toutefois, selon le prince Saoud Al-Fayçal, ministre saoudien des Affaires étrangères, qui se trouve depuis samedi à Beyrouth, la rédaction de l'offre parrainée par l'Arabie saoudite «a été rédigée depuis un certain temps, et le prince (Abdallâh) la soumettra aux participants au sommet quand il viendra à Beyrouth». Dans une déclaration rapportée par l'agence saoudienne SPA, le prince héritier Abdallah Ben Abdelaziz a affirmé «vouloir mettre Israël à l'épreuve de la paix», indiquant: «J'exposerai l'initiative au sommet arabe (...) mercredi et jeudi, pour que les Etats arabes la reprennent à leur compte», assurant: «Si les Israéliens l'acceptent, ce sera ce que nous souhaitons, car nous ne voulons pas la confrontation, (...)», ajoutant: «S'ils ne l'acceptent pas nous les aurons mis à nu. Nous aurons ainsi prouvé au monde que ce sont les Arabes et les musulmans qui veulent la paix et que ce sont, certains Israéliens, je ne dirai pas tous, qui ne veulent pas la paix» Explicitant son initiative, selon la même source, le prince Abdallâh dira avoir lancé «un ballon sonde» dans les colonnes du New York Times, en février dernier, car, indique-t-il: «J'y suis obligé (...) Toute issue de sortie était fermée, les Israéliens avec leurs avions et chars et mes frères palestiniens avec des pierres», ajoutant: «J'ai alors lancé l'initiative de servir l'Islam (...) présenté comme hostile à la paix. Pourtant l'Islam est la religion de la paix, de l'amour, de la dignité et de l'humanisme.» Cependant se posera la question de savoir si le sommet arabe peut prendre une décision positive en l'absence des Palestiniens et singulièrement du président Yasser Arafat? L'interrogation est de circonstance si l'on tient compte que le ministre palestinien de l'information Yasser Abed Rabbo, a réitéré samedi que les Palestiniens «n'accepteront aucune décision du sommet arabe sur l'avenir et le sort de la Palestine, quelle que soit cette décision, si elle est adoptée en l'absence de la Palestine et de Yasser Arafat» soulignant «l'ère de la tutelle, même par des (pays) frères est finie». A Beyrouth, l'on se veut malgré tout optimiste et l'on s'attend à des résultats positifs, notamment en ce qui concerne le dossier palestinien et l'examen de l'initiative saoudienne. Le Président Abdelaziz Bouteflika, qui quittera Alger, demain pour Beyrouth, prendra part, rappelle-t-on, aux travaux du 14e sommet des Etats arabes.