L'affaire dite “des Mig-29” ayant empoisonné un moment les relations entre l'Algérie et la Russie, que tous les observateurs donnaient pour close après la visite de Abdelaziz Bouteflika à Moscou, vient de rebondir d'une manière inattendue avec l'annonce, hier par l'agence russe Interfax et le quotidien économique Kommersant, de la suspension par la Russie des livraisons d'avions de chasse Sukhoi SU-30 MKI à l'Algérie en raison de non-paiement de la part d'Alger. Un rebondissement inattendu, si on vient à faire abstraction de la récente montée au créneau, alors que le différend semblait avoir été mis à plat, du chef de l'Agence fédérale russe de l'industrie, Andreï Doutov qui affirmait il y a à peine trois jours que l'Algérie avait annulé une commande de 34 Mig-29 pour des raisons “politiques”. Et tout de go, on peut vraisemblablement penser que la décision de Moscou procède de cette arrière-pensée qui exclut donc les arguments techniques ayant motivé le rejet des Mig-29 par Alger. “Vu que l'Algérie ne remplit pas ses engagements financiers dans le contrat pour la livraison à ce pays de 28 avions de chasse SU-30 MKI, la livraison d'un nouveau lot d'appareils a été suspendue”, a déclaré une source au sein du complexe militaro-industriel russe à l'agence Interfax. Selon cette source, Moscou a déjà livré six SU-30 MKI à l'Algérie, rapporte l'agence Interfax, qui ajoute que le complexe militaro-industriel russe a retardé l'envoi d'un nouveau lot prévu en mars parce que l'Algérie a suspendu le financement de ce projet. Si tel est le cas, l'on ne peut échapper à la question de savoir quelles sont les raisons qui ont poussé Alger à suspendre le financement du projet. À ce que l'on sache après la rencontre au sommet Bouteflika-Poutine à Moscou, il était question de remplacer les 15 Mig-29 par des avions plus sophistiqués les Mig-35 et Mig 29M2. Rappelons que l'Algérie a menacé de geler les paiements sur tous ses contrats militaires avec Moscou si la Russie refusait de reprendre les 15 chasseurs Mig-29, fournis en 2006-2007, de qualité inférieure aux attentes. Les Mig doivent être rendus à la Russie d'ici fin avril, écrit Kommersant. Donc si l'Algérie a suspendu le financement de la livraison de 28 avions de chasse SU -30 MKI, c'est que nécessairement, elle a été poussée à mettre ses menaces à exécution. Autrement dit, la Russie a probablement fait marche arrière en refusant de reprendre les Mig-29 défectueux. Si tel est le cas la Russie ne situe pas le différend avec l'Algérie sur l'affaire des Mig-29 sur un plan technique, ceci dans la mesure où de hauts responsables dans le gouvernement et la hiérarchie militaire russe ont ouvertement reconnu vers la fin du mois de février la mauvaise qualité des 15 chasseurs Mig-29 livrés à l'Algérie entre 2006 et 2007. C'est d'ailleurs, le vice-Premier ministre également chef de la Commission militaire et industrielle, Sergueï Ivanov, et son premier adjoint Vladislav Putilin qui avaient fait cet aveu. Mais l'Algérie en remettant en cause la qualité des avions de chasse Mig-29 vient d'ébrécher sérieusement la réputation du complexe militaro-industriel russe dans un contexte où les grandes puissances se livrent une lutte acharnée en matière de vente d'armements. Il est vrai que le contrat d'armement de 7 milliards de dollars, conclu entre la Russie et l'Algérie, constitue une affaire en or pour Moscou, mais pas au point de laisser le gouvernement russe insensible aux répercussions que peut avoir la désormais affaire des Mig-29 sur sa crédibilité et son image en tant qu'exportateur potentiel d'armements que ne manqueraient sûrement pas d'exploiter Américains, Français et Chinois. Dans cette optique, la Russie pour limiter les dégâts n'a d'autre choix que de placer cette affaire des Mig dans un contexte politique qu'elle tente de lier étroitement avec ce qui serait la volonté de l'Algérie de diversifier ses sources d'approvisionnement en armements et sa recherche d'autres alliés que la Russie dans ce domaine. Ce n'est donc pas fortuit que les Russes ressortent l'histoire des rafales que Paris allait vendre à l'Algérie. En effet, dans la capitale russe, on observe volontiers que la décision des autorités algériennes de rendre les Mig est la conséquence de “pressions exercées par les nouvelles autorités françaises sur Alger”. Malgré le net démenti des autorités algériennes, les Russes continuent d'exploiter le filon politique pour détourner l'attention sur la qualité de son armement sérieusement remis en cause par l'affaire des Mig- 29. Des sources algériennes, quant à elles, continuent à affirmer que la récente décision russe s'inscrit dans le cadre d'un conflit aigu entre des puissances internationales pour s'emparer des marchés d'armement, notamment en Algérie. Zahir Benmostepha