Le directeur de l'Institut maghrébin des douanes et de la fiscalité, le professeur Ali Boukrami,a axé son intervention sur la relation entre la croissance économique et la mobilité des personnes. C'est et ce sera un aller sans retour pour les Algériens qui sont partis à l'étranger. Cela peut largement résumer ce qu'ont voulu dire presque tous les participants à la Conférence internationale sur “les flux migratoires sélectifs” qui s'est déroulée, hier, à l'Institut maghrébin des douanes et de la fiscalité à Koléa (Tipasa). Pour le sociologue, Ali El-Kenz, la situation est claire. “Il ne faut pas se faire d'illusion sur le retour de ceux qui sont partis. Il faut même un siècle pour faire revenir juste 10% parmi eux.” La solution pour ce professeur d'université à Nantes (France) réside dans “la création de nœuds comme par exemple des universités d'été. Il faut les intégrer sans les digérer. L'intégration à distance est la meilleure solution”. Y allant dans le même sens (même si c'est avec des propos plus au moins nuancés), le professeur Mounir Berrah (Ecole nationale polytechnique d'Alger, ENP), a affirmé dans sa contribution qu'il y avait une “aspiration légitime des pays en voie de développement à récupérer leurs compétences expatriées en espérant que leur retour a montré ses limites. Le défi pour ces pays est plutôt d'œuvrer pour retenir ceux qui ne sont pas partis”. Le diplômé de MIT (Massachusetts Institute of Technology) et ex-directeur de l'ENP préfère ainsi utiliser le terme de “la circulation des cerveaux” qu'il définit comme une école de pensée dont l'un des leaders est le professeur Saxenian de l'U C. Berkeley (Etats-Unis). En essayant d'expliquer les contours de ce terme, il prendra comme exemple le succès des expériences chinoise et indienne. “Ces communautés d'entrepreneurs à succès, bien intégrés dans le système de leur pays d'accueil, ont réussi à mettre en place des stratégies ethniques pour favoriser les opportunités entrepreneuriales à travers des réseaux sociaux et professionnels devant mobiliser l'information, le savoir-faire, le talent et le capital pour lancer une entreprise technologique.” Des pays ont profité des réseaux migratoires pour travailler en sous-traitance Il précisera que les pays d'origine ont profité des ces réseaux pour travailler en sous-traitance. “C'est au moins une raison pour retenir les compétences que nous avons au pays pour pouvoir réaliser cette osmose”, a-t-il indiqué. L'avis de ces deux professeurs vient contredire en quelque sorte les déclarations à l'ouverture de la conférence du ministre des Finances Karim Djoudi. Le représentant du gouvernement avait insisté sur la nécessité de faire intégrer cette communauté d'Algériens qui sont à l'étranger au processus économique “pour un bon mariage avec les compétences résidentes”. De son côté, l'hôte de cette conférence, en l'occurrence le directeur de l'institut, le professeur Ali Boukrami, a axé son intervention sur la relation entre la croissance économique et la mobilité des personnes. Pour lui, les flux migratoires sélectifs restent “marqués par une connaissance insuffisante”. Il indiquera néanmoins des paramètres “déterminants” pour leur étude. Il s'agit, selon lui, de “l'avènement du numérique, la consécration de l'économie fondée sur la connaissance et l'apparition d'une concertation informelle au plus haut niveau pour suppléer la défaillance des structures et institutions disponibles au niveau mondial”. Il n'hésitera pas ainsi à prononcer un “verdict” en annonçant sans ambages “la fin de l'indépendance des banques centrales” avant d'ajouter : “Maintenant la doctrine est précédée par la pratique.” Le sujet étant d'actualité, on a noté hier la présence de plusieurs personnalités, représentant divers secteurs. Pêle-mêle, il y avait Issad Rebrab, P-DG de Cevital, Cheikh Bouamrane, président du Haut-Conseil islamique (HCI), des ex-ministres, Belkacem Nabi et Abdelkrim Harchaoui, l'expert financier, Abdelhamid Gas, et plusieurs personnalités étrangères. Certaines sont intervenues parmi lesquelles M. Fadhel Benomrane, avocat tunisien et ex-étudiant à l'Institut de Koléa. On a surtout retenu que la solution, selon lui, pour attirer les expatriés “que ce soit les Algériens ou les Tunisiens” c'est de laisser leur prise en charge au secteur privé. Un autre avocat étranger, M. Andrew Rosemarine (présenté par M. Boukrami comme un spécialiste anglais des migrations) a pris la parole sur le thème “Identités et flux migratoires”. Le serviteur de Sa Majesté a axé son intervention sur deux récents rapports établis par des commissions indépendantes et dans lesquelles la politique d'immigration de son gouvernement est “sévèrement critiquée”. Tout en tentant de détailler son point de vue sur la question, il n'omettra pas de donner l'exemple de réussite en Angleterre et précisément dans sa ville natale. “Natif de Manchester, je ne peux occulter le rôle de Cristiano Ronaldo qui avec son talent et en jouant dans le club de la ville a beaucoup contribué à sa renommée”. De son côté, le professeur Hugues Fulchiron, président de l'université Lyon 3 (co-organisateur de la conférence), est revenu sur le débat (ancien-nouveau) qui se déroule en France depuis l'élection du président Nicolas Sarkozy, soit il y a de cela plus d'une année. Entre “sélective” et “choisie”, il a donné un aperçu sur l'immigration vue et discutée en Hexagone. La tendance est à la féminisation de la migration La femme était aussi présente à ce rendez-vous. Parmi les intervenantes, il y a avait Mme Aïcha Kouadri, représentante du barreau national et en même temps présidente de l'Association des femmes cadres. Selon elle, la tendance est à la féminisation de la migration. “Cela ne touche pas seulement l'Algérie, mais c'est mondial”, en l'estimant à plus de 50%. Voulant éclairer plus, l'avocate a indiqué que la situation est totalement différente par rapport aux années 1970. “À cette époque, les femmes algériennes quittaient le pays dans le cadre du regroupement familial, mais maintenant elles s'autonomisent de plus en plus. Plutôt ce sont les hommes et les enfants qui les rejoignent à l'étranger”. Même s'il n'était pas inclus dans les débats ou les interventions, le phénomène de harraga ne pouvait tout de même pas être occulté. Interpellé sur ce sujet, le professeur Ali El-Kenz s'est dit très préoccupé, tout en rappelant que l'origine du terme de harraga “est venu de nahrag, brûler, et ça remonte jusqu'à Tarek Ibn Ziad. Ce dernier, lorsqu'il est allé en Espagne, et en débarquant, avait brûlé les embarcations pour ne pas laisser d'autre choix à son armée que de conquérir le pays”. L'éminent sociologue dira que “les raisons de ces départs ne sont pas essentiellement économiques. C'est surtout l'absence d'un projet de vie”. Salim KOUDIL