Après l'Algérie et le Maroc, l'an dernier, le président français, accompagné de son épouse, conclut chez son homologue tunisien Zine El Abidine Ben Ali sa première tournée des pays du Maghreb. Nicolas Sarkozy est attendu aujourd'hui à Tunis pour un séjour de quarante-huit heures largement voué au développement de la relation politique et économique très étroite qui unit la France et la Tunisie. Donc, pas de sujets qui fâchent, et surtout pas l'entêtante question des droits de l'homme que les ONG françaises n'arrêtent pas de mettre en avant. Les ONG tunisiennes et internationales ont fait savoir qu'elles attendaient un geste fort du président français sur ce terrain. L'Elysée a promis qu'il en dira un mot “en public” dès lors que Sarkozy a emmené dans ses bagages sa secrétaire d'Etat aux droits de l'homme. Régulièrement épinglé par les rapports internationaux, le président tunisien, qui vient d'interdire une mission de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) au motif qu'elle faisait preuve de partis pris systématiques contre son pays, a annoncé son intention de procéder au lifting de sa Constitution pour ne permettre qu'aux chefs de partis légaux de se porter candidats à l'élection présidentielle, ce qui exclut d'avance les opposants crédibles tels que Nejib Chebbi (fondateur du Parti démocratique progressiste, PDP), ou le docteur Mustapha Ben Jaafar (secrétaire général du Forum démocratique). Le président Ben Ali n'a pas dit qu'il allait briguer un cinquième mandat, mais cela ne fait guère de doute, selon ses opposants. Mokhtar Trifi, président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH), la plus ancienne ligue d'Afrique et du monde arabe, a brossé un tableau sombre de la situation des droits de l'homme en Tunisie, la veille du voyage de Sarkozy, dans le journal parisien le Monde : “Chape de plomb, invisible pour le visiteur étranger, harcèlement, intimidation, agressions physiques, assèchement économique pour ceux qui exercent des professions libérales, utilisation du fisc comme moyen de pression et de punition, campagnes de dénigrement dans les journaux, piratage du courrier électronique... ”. L'avocat connu pour son engagement dans la défense des libertés exhorte Sarkozy à user de son amitié pour rappeler que la démocratie en Tunisie est de l'intérêt de tous. Pour le moins, assure-t-on dans les coulisses de l'Elysée, Sarkozy ne commettra pas l'impair de son prédécesseur Jacques Chirac qui avait encensé la démocratie version Tunisie ! Alors que la France s'apprête à prendre en juillet les rênes de l'Union européenne, le nouveau partenariat promu par Nicolas Sarkozy entre l'Europe et ses voisins du Sud, via son projet d'union pour la Méditerranée (UPM), sera au cœur de cette visite d'Etat. Sarkozy doit y consacrer l'essentiel de son discours devant les étudiants de l'Institut national des sciences appliquées et des technologies de Tunis mercredi, dernier jour de son séjour. Si la France n'a obtenu le ralliement de ses partenaires européens, notamment la chancelière allemande, qu'au prix de sérieux amendements, la Tunisie a immédiatement soutenu son initiative. À en croire la presse tunisienne, le président Ben Ali brigue même le secrétariat général de la future entité, qui doit être lancée en grande pompe lors d'un sommet à Paris le 13 juillet. Sarkozy aurait promis à son homologue de faire de Tunis le siège de l'UPM. Ca sera un retour d'ascenseur pour un régime considéré par Paris comme son “chouchou” en Afrique du Nord. Paris doit signer avec Tunis sa première convention de gestion concertée de l'immigration avec un pays maghrébin. Ce texte doit renforcer la lutte contre les clandestins, ouvrir le territoire français à l'immigration professionnelle et favoriser le développement dit solidaire entre les deux pays, souligne-t-on à l'Elysée. Comme c'est devenu la marque de fabrique de sa diplomatie depuis un an, Sarkozy va offrir à Tunis un accès à sa technologie nucléaire civile sous la forme d'un accord-cadre de coopération, identique à ceux paraphés par Tripoli, Rabat ou Alger, et qui ouvrira la voie à l'éventuelle livraison, d'ici quinze à vingt ans, d'un ou plusieurs réacteurs nucléaires aux Tunisiens. D. B.