À la demande ce vendredi, de la levée de l'état d'urgence en vigueur en Algérie depuis février 1992 par des experts du Comité contre la torture de l'ONU, le représentant permanent de l'Algérie à l'ONU, à Genève, M. Idriss Jazaïri, a souligné que “le choix de la société algérienne en faveur de l'élargissement de l'espace des libertés est irréversible”. S'adressant aux experts du Comité contre la torture de l'ONU (CAT), réuni à Genève pour un examen périodique de la situation dans plusieurs pays, et qui ont estimé que “l'état d'urgence est complètement inapplicable et incompatible avec l'Etat de droit lorsqu'il est utilisé trop longtemps”, l'ambassadeur Idriss Jazaïri déclarait que l'Algérie “continuera à œuvrer à la promotion et à la protection des droits de l'Homme, de tous les droits de l'Homme, indispensables à l'organisation de la société démocratique, à la pacification de ses rapports et qui constituent, à bien des égards, la base de l'Etat de droit”. Et de souligner : “La spécificité des circonstances qui a prévalu en Algérie et qui diffère des scénarios de sortie de crise sous d'autres latitudes.” Dans cette veine, des sources proches du dossier estiment qu'il serait illusoire de s'attarder sur la question de l'état d'urgence en Algérie signifiant que certains occultent souvent les facteurs, les difficultés et les responsabilités de l'Etat à l'égard du rétablissement et du maintien des conditions nécessaires à la jouissance et à la protection des droits fondamentaux en l'Algérie. Ces mêmes sources soulignent qu'au-delà des allégations persistantes sur la question des droits de l'Homme en Algérie, il ne faut pas oublier que le décret de 1992, portant état d'urgence, a été abrogé mais que certaines de ses dispositions ont été intégrées dans la législation pénale ordinaire d'où une lecture qui se prête à des abus. C'est peut-être le cas quand les experts du KAT se demandent si les autorités algériennes ont “une idée de la date à laquelle l'état d'urgence pourrait être aboli ?” “L'Algérie doit sortir de cette situation pour que les gens puissent avoir un état de droit normal”, ont-ils jugé. Le rapporteur sur l'Algérie du Comité contre la torture, Claudio Crossman, a rappelé pour sa part que le droit international n'autorisait un pays à déclarer l'état d'urgence qu'en cas de “menace imminente et grave, qui ne doit pas revêtir un aspect hypothétique”. Idriss JazaIri ne manquera pas alors de rappeler qu'en novembre 1996, l'Algérie avait présenté son second rapport périodique dans un contexte “marqué par un pic de la criminalité terroriste” causant “d'effroyables massacres de civils” de toutes les professions. Pour affirmer que “ceux qui à l'époque, y compris dans la sphère des droits de l'Homme, par leur silence et parfois par leurs faux-fuyants, ont instrumentalisé la barbarie à des fins politiciennes, portent une lourde responsabilité dans la perte de vies humaines et les dommages inestimables et irréparables causés au tissu social et à la cohésion nationale”. L'ambassadeur d'Algérie parlera “d'un climat où il était extrêmement difficile d'allier sécurité et liberté dans la gestion des affaires du pays”, notant que depuis les attentats du 11 septembre à New York, la communauté internationale est elle aussi confrontée à cette “problématique” et est ainsi “plus consciente de la difficulté de maintenir un juste équilibre entre l'un et l'autre”. Et de demander à son tour “combien de victimes de plus aurait-il fallu pour que mon pays se conforme à la démarche de sortie de crise considérée par certains comme plus politiquement correcte ?” “Fallait-il attendre que le pays sombre dans le chaos généralisé pour rechercher des formules de sortie de crise ?” “Nous avons d'ailleurs suggéré qu'un débat puisse s'organiser sur ce thème dans le cadre du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies pour éviter l'imposition de modèles préétablis à des situations diverses”, devait-il souligner. Rappelons que la délégation algérienne doit présenter demain dans l'après-midi ses réponses au CAT. Zahir Benmostepha