Des autopsies réalisées sur des cas considérés comme des suicides se sont avérés des homicides, que leurs auteurs ont voulu maquiller. Pour le médecin légiste, tout suicide représente un cas à étudier pour poser le véritable diagnostic quant aux raisons qui ont causé la mort. Si le législateur a instauré une loi rendant obligatoire l'autopsie devant tout cas de suicide, c'est justement pour rendre justice aux victimes assassinées par des tueurs machiavéliques qui élaborent des plans pour leurrer les enquêteurs chargés de l'enquête. Combien de cadavres transportés vers les morgues avec une corde autour du cou et présentés comme des suicidés ont fini par se révéler, grâce aux médecins légistes, être des assassinats. “J'ai eu déjà un cas d'un mort présenté comme un suicidé par ingestion d'un détergent. Lors de l'autopsie, j'ai constaté qu'il était mort suite à un traumatisme cranio-cervical. Ce diagnostic a permis aux enquêteurs de poursuivre leurs recherches et d'arrêter les auteurs de cet homicide”, affirme le Dr Boulassel, du service de médecine légale du CHU de Tizi Ouzou où 67 cas de suicide ont été enregistrés en 2007. À propos des statistiques, les médecins légistes se plaignent de l'absence de chiffres fiables car aucune étude épidémiologique n'a été menée jusqu'à présent en Algérie. Ce constat a été fait lors de la neuvième journée médico-judiciaire qui s'est tenue jeudi dernier à l'Institut national de santé publique à Ben Aknoun, en présence de médecins légistes, de magistrats et de représentants des services scientifiques de la Gendarmerie nationale et de la Sûreté nationale. Cette rencontre a permis aux différents intervenants de mettre l'accent sur les aspects juridique et médical du suicide. Si le suicide est un véritable fléau en Algérie, il ne faut tout de même pas ignorer que bon nombre d'assassins tentent de maquiller leurs crimes. C'est pourquoi les médecins légistes, les services scientifiques de la police et de la gendarmerie et les magistrats conjuguent leurs efforts pour débusquer les cas d'homicides maquillés. Dans un autre registre, les intervenants ont mis l'accent sur le rôle de l'Etat et du mouvement associatif dans la lutte contre le suicide, par l'amélioration des conditions de vie des citoyens et par l'accompagnement des personnes fragiles. Pour sa part, le professeur Belhadj, du service de médecine légale de l'hôpital Mustapha, estime que le phénomène du suicide revêt plusieurs facettes dont certaines sont du ressort de la médecine légale et de la justice et d'autres relèvent de la compétence de l'Etat ou des psychiatres. “Quant aux médecins légistes, ils doivent apporter les preuves quand il s'agit de suicide et aussi lorsque la mort est provoquée par des personnes qui tentent de maquiller leur forfait”, explique le professeur Belhadj. Si en Algérie, les chiffres ne sont pas disponibles, selon les statistiques de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), il y a eu en 2000, 877 000 suicides dans le monde. Selon cette même enquête, il y a un suicide dans le monde toutes les 40 secondes, ce qui effraie les spécialistes. En France, à titre d'exemple, le nombre des morts par suicide qui s'élève à 11 000 décès dépasse de loin les victimes des accidents de la route dont le nombre est de 5 000 par an. Les médecins légistes préconisent une enquête épidémiologique sur le suicide en Algérie, pour connaître le nombre de cas, et surtout pour identifier les populations les plus exposées pour les aider. Le suicide est devenu ces dernières années un vrai fléau en Algérie et il touche toutes les couches de la société. Cette étude, si elle est menée, éclairera les spécialistes sur les raisons qui poussent par exemple des enfants et des personnes âgées à passer à l'acte fatidique. Selon des études menées de part le monde, les hommes se suicident plus que les femmes qui font pourtant plus de tentatives, mais considérées comme des appels au secours. Les médecins légistes interviennent aussi pour déterminer les cas de mort par privation de nourriture et de soins, observés surtout chez des victimes âgées. Pour les mêmes spécialistes, certaines morts qui paraissent naturelles sont dues parfois à une anorexie involontaire, car les personnes en charge des personnes âgées, par oubli ou volontairement, les privent de nourriture et de soins. En somme, la médecine légale intervient pour différencier le suicide de l'homicide. SaId Ibrahim