A mesure que le mouvement de grève se radicalise, l'inquiétude des élèves et de leurs parents va crescendo. On parle, à nouveau, d'une “école-otage”… Comme annoncé dans nos précédentes éditions, les enseignants du secondaire vont entamer une grève de 21 jours, à compter d'aujourd'hui et ce, jusqu'au 5 juin, veille du bac, dans la soixantaine de lycées que compte la capitale. Cette décision, rappelle-t-on, a été prise suite au refus du ministère de tutelle de recevoir une délégation des grévistes lors de leur rassemblement de mercredi dernier devant le siège du ministère, à El-Mouradia. En parallèle, le département de M. Benbouzid s'apprêterait à recevoir ce matin une délégation de la Fédération des parents d'élèves. Contacté, hier, par téléphone, le porte-parole de la Coordination des lycées d'Alger (CLA), M. Osmane Redouane, a confirmé cette option : “Nous considérons l'attitude de M. Benbouzid comme un signe d'hostilité et de refus de tout dialogue avec les enseignants. Le ministre a coupé les ponts. Il devait recevoir une délégation de notre mouvement et à la dernière minute, il a reçu un coup de fil lui enjoignant de ne pas nous recevoir. Partant de là, nous considérons qu'il n'y a rien à discuter avec un ministre qui n'a pas les coudées franches”. M. Osmane précise que la grève à laquelle la Coordination a appelé est “limitée”. Selon les initiateurs de cette action, celle-ci va geler une bonne partie des établissements de la capitale. M. Benbouzid aurait rétorqué : “Alger n'est pas l'Algérie”. Commentaire de M. Osmane : “M. Benbouzid a beau jeu de dire ça, mais on verra bien quelle est la force mobilisatrice sur le terrain. Nous espérons que les enseignants nous suivront sur tout le territoire national.” La Coordination a prévu tout un programme d'animation de ces journées de protestation. Toujours selon le porte-parole de la CLA, dans la journée de samedi, il y aura une sortie vers les établissements, dimanche, un rassemblement à Bab El-Oued et lundi, une conférence dans tous les lycées autour des augmentations (jugées “dérisoires”) consenties au corps enseignant. “J'invite M. Benbouzid a rendre publique sa fiche de paie. On va voir combien lui a reçu d'augmentation, et on va la comparer au salaire des enseignants. La comparaison est ridicule. Eux, ils ont des primes de sujétion, des primes de voiture, des primes de responsabilité, soit un total de 80 millions de centimes, et pour les enseignants, on a à peine alloué une prime de misère de 1 300 DA. N'est-ce pas scandaleux !”, s'indigne Osmane Redouane. A noter que ce mouvement de fronde est appuyé par un autre mouvement, d'envergure nationale celui-là, initié par la Coordination nationale des professeurs d'enseignement secondaire et technique (Cnapest). Comme leurs confrères de la CLA, eux, aussi revendiquent une revalorisation de leur salaire, la création de nouveaux postes budgétaires, l'institution du droit à la retraite au terme de 25 ans de service, la revalorisation du point indiciel, ainsi que l'élaboration du fameux statut de l'enseignant. Alors que les lycées connaissent de graves perturbations depuis plusieurs jours, l'inquiétude des élèves et de leurs parents va crescendo. Le bac approche. Les candidats se tiennent le ventre. Ils se disent que les compositions du troisième trimestre vont sauter, que le bac blanc va sauter et que, dans la foulée, le bac lui-même va venir couronner ce feuilleton gris. On parle encore une fois d'“élèves pris en otage”, d'une “surpolitisation de l'école”, etc. Islamistes, noyaux trotskistes, partisans de l'école laïque, arabo-baâthistes réfractaires au rapport “Benzaghou”, chacun tire de son côté. D'aucuns se remémorent, à l'occasion, le “boycott kabyle” et les vicissitudes du “Printemps noir” qui a contraint le pouvoir à concéder une deuxième session de baccalauréat en 2001. Les élèves et leurs familles ont sans doute raison de s'inquiéter, de crier au scandale, de se sentir pris dans les tenailles d'un mouvement désespéré. De leur côté, les enseignants se disent, eux-mêmes, otages. Otages d'une politique bancale, d'une tutelle qui ne les écoute pas, d'un ministre sans réel projet, sans réel souci, lui qui a fait la sourde oreille à tant de grèves qui ont secoué de plein fouet son secteur, que ce soit à l'Education nationale ou à l'Enseignement supérieur, sans que cela l'ébranle d'un iota. M. Osmane le dit, d'ailleurs : “Les associations qui parlent d'“otages” ne sont que des appareils. Si les parents d'élèves s'inquiètent réellement du sort de leurs enfants, ils nous auraient soutenus dans notre mouvement depuis que nous avons déposé notre plate-forme en janvier dernier. L'intérêt des élèves n'incombe pas seulement aux enseignants. Ce sont les responsables qui ont pris tout le monde en otage. Ce sont, eux, les vrais preneurs d'otages, en poussant le situation au pourrissement ! Benbouzid a battu le record de longévité à ce poste, mais ce n'est pas un gage d'efficacité. Un bon ministre doit être maître de ses décisions au lieu d'agir sur des coups de téléphone.” B. M.