Suspense total. Inquiétude totale. Les pays de l'UE ont les yeux rivés sur le vote des trois millions d'électeurs irlandais qui se sont prononcés jeudi sur le traité européen de Lisbonne. Un référendum à l'issue très incertaine, les résultats ne devaient être connus qu'hier soir, les sondages à la sortie des urnes ayant été interdits. Seule l'Irlande est tenue, de par sa Constitution, de se prononcer par référendum sur la question, les autres capitales ayant opté pour la ratification parlementaire, ce qui a déjà été fait dans 19 d'entre elles. Les derniers sondages ont donné le oui et le non au coude à coude, voire le non en avance. La perspective d'une défaite du oui a réveillé le spectre du rejet de la Constitution européenne en 2005 par la France et les Pays-Bas, ainsi que celui du traité de Nice, lors d'un référendum en 2001 en…Irlande. Il avait alors fallu organiser un deuxième vote sur l'île pour faire adopter le texte. Mais il n'y aura pas de second référendum cette fois-ci, a assuré le gouvernement. Le camp du oui a regroupé l'ensemble des formations parlementaires, à l'exception du parti nationaliste Sinn Féin, qui ne compte que quatre députés sur 166. Le Premier ministre Brian Cowen a joué sur la peur avertissant qu'un rejet affaiblirait l'Irlande, pays de 4,2 millions d'habitants. Après avoir lui-même dénoncé une campagne de peur de la part des “nonistes” qui prêtent au traité de Lisbonne des hausses de l'imposition en Irlande, voire une légalisation de l'avortement, encore interdit dans l'île. Les opposants au traité exigent sa “renégociation”, rejetant les affirmations de responsables bruxellois et irlandais selon lesquelles il n'y a “pas de plan B”. Les nationalistes du Sinn Féin accusent Bruxelles de vouloir faire accepter aux Irlandais une réforme institutionnelle portant atteinte à la démocratie et menaçant la neutralité traditionnelle du pays. Les dirigeants européens ont exhorté les Irlandais à ratifier le traité, aux yeux des analystes, leurs interventions risquaient de provoquer un effet inverse et une réaction de rejet chez des Irlandais, à l'esprit d'indépendance chatouilleux. Hier, le ministre irlandais de la Justice, Dermot Ahern, a affirmé qu'il “semble que ce soit le non” qui l'emporte au référendum sur le traité européen de Lisbonne, lors d'une interview à la radio-télévision publique RTE. “Nous devons attendre la confirmation des résultats complets mais il semble que ce soit le non” qui l'emporte, a déclaré M. Ahern, qui s'exprimait depuis sa circonscription de Dundalk. Dans sa propre circonscription, le non est en tête avec 58% des voix, selon lui. “Je ne vois pas comment cela pourrait être inversé”, a ajouté M. Ahern. D. B.