Le procès des deux Algériens convertis au protestantisme ayant focalisé toutes les attentions et exacerbé toutes les tensions, a finalement connu son épilogue hier avec la mise en délibéré le 2 juillet de la décision du tribunal de Tissemsilt. Les deux prévenus ont été condamnés par contumace, dans un premier temps le 20 novembre 2007, à deux ans de prison ferme et 500 000 DA d'amende chacun pour “distribution de littérature qui porte atteinte à la foi des musulmans”. Le ministère public a demandé au juge d'appliquer la loi, ce qui laisse supposer, dans les lectures les plus optimistes, le non-lieu ou une peine de prison avec sursis pour les deux accusés, défendus par Me Khalfoun. Si ce verdict venait à se confirmer, et tout en évitant de commenter une décision de justice, il y a fort à parier que nombre d'observateurs y verront un signal fort des autorités algériennes qui cherchent à désamorcer un dossier qui aura fait du tort à l'image du pays auprès des chancelleries étrangères. En effet, la succession des procès pour prosélytisme, trois en l'espace de quelques semaines, ont braqué les lumières des défenseurs de la chrétienté sur l'Algérie, accusée de persécuter des convertis. Le 3 juin, quatre convertis poursuivis pour “pratique illégale d'un culte non musulman” avaient été condamnés à des peines de prison avec sursis et deux relaxés par le tribunal correctionnel de Tiaret. Par ailleurs, une autre convertie, Habiba Kouider, 37 ans, interpellée transportant une dizaine de bibles, devra comparaître à nouveau devant le tribunal de Tiaret. Le 27 mai dernier, ce dernier avait reporté sa décision et demandé un complément d'enquête. Le procureur de Tiaret avait requis trois ans de prison ferme contre la prévenue, poursuivie pour “pratique d'un culte non musulman sans autorisation”. Rappelons que l'exercice d'un culte musulman ou non musulman est conditionné en Algérie à l'obtention d'un agrément fixant le lieu du culte et d'un autre pour le prédicateur, selon une loi promulguée en février 2006. Les responsables des églises chrétiennes estiment que les dispositions contenues dans cette loi restreignent fortement la liberté du culte, garantie par la Constitution algérienne. En ce sens, une délégation de l'église anglicane s'est rendue, dernièrement, à Washington pour se plaindre auprès du Congrès américain des restrictions imposées aux chrétiens en Algérie et demander l'abrogation de la loi sur la pratique religieuse pour les non musulmans. Cette délégation, comprenant des protestants anglicans algériens, français et suisses, avait visité la capitale américaine en avril dernier et rencontré des sénateurs républicains au Capitole, le siège du Congrès. Une approche qui s'inscrit dans la volonté de ces concepteurs de pousser Washington à user de son poids pour faire pression sur le gouvernement algérien dans le but d'annuler la loi de 2006 qui réglemente la pratique du culte. Une initiative qui vient confirmer un peu plus l'“internationalisation” de la question de la liberté du culte en Algérie après l'incursion peu diplomatique de Rama Yade, la secrétaire d'Etat français aux droits de l'Homme, qui avait qualifié de “triste” et de “choquant” le procès de Habiba à Tiaret. Pour rappel, en Algérie, l'exercice d'un culte autre que l'islam est soumis à une double autorisation des autorités. La première, liée à la sécurité du lieu d'exercice, est délivrée par les services du ministère de l'Intérieur, la deuxième est en rapport avec le prédicateur qui doit être agréé par le ministère des Affaires religieuses. Cependant, la tournure des évènements et la volonté de certains canaux à la recherche du sensationnel font que la question de la liberté du culte est en train de mettre à mal l'image extérieure de l'Algérie qui la fait passer pour un pays d'intolérance de premier plan. Réagissant à ces “insinuations”, le président du Haut conseil islamique (HCI) Cheikh Bouamrane avait tenu à dénoncer des activités évangéliques clandestines contre l'islam tout en réaffirmant que l'Algérie n'était “pas hostile” aux chrétiens. Saïd Oussad