Le tribunal correctionnel de Tissemsilt, relevant de la cour de justice de Tiaret, a enfin fini par juger, hier, les deux jeunes informaticiens, Rachid et Djallal, de confession chrétienne, incriminés de prosélytisme et condamnés par défaut, le 28 novembre 2007, à une peine de deux ans de prison ferme assortie d'une amende de 50 millions de centimes chacun. Le procès en appel qui est, au bout du compte, passé en revue, après maints renvois, ne paraissait pas aussi insignifiant que l'on croyait dans la mesure où le juge devait se référer à des rapports d'audition de la police contenant des déclarations catégoriquement niées par les accusés. “L'objectif de votre mission à Tissemsilt le jour de votre arrestation, le 7 avril 2007, était de distribuer des livres chrétiens trouvés en votre possession et saisis par les policiers, c'est du moins ce que vous avez déclaré lors de votre interrogatoire”, dira le président qui enchaîna à l'endroit des accusés qu'il s'agit d'un acte de prosélytisme qui est réprimé par l'article 11 compris dans l'ordonnance n°06-03 datée du 28 février 2006. “Nous n'avons jamais fait de telles déclarations M. le président”, maintenaient les deux accusés, qui ont repris la genèse de ce qui leur est arrivé ce jour-là. “Nous étions à Tissemsilt, une ville que nous ne connaissions pas parfaitement, dans le but de solliciter des services concernés de la wilaya et de l'OPGI pour nous octroyer un agrément et un local locatif pour ouvrir un cybercafé, et ce, avant de nous faire arrêter par des policiers dans un barrage lorsque nous nous apprêtions à quitter cette ville pour revenir à Tiaret”, selon Rachid qui n'a pas manqué d'insister sur le subterfuge évoqué par les hommes de loi pour les acheminer vers le commissariat, à savoir que le véhicule était suspecté, voire donné pour volé. S'agissant des livres et cassettes audio trouvés en leur possession, ce dernier mettra en exergue le niveau de leur contenu qui est destiné aux plus érudits de la religion chrétienne. “Ces produits sont à votre niveau et vous pouvez vérifier l'authenticité de ma déclaration”, devait-il conclure avant d'ouvrir une parenthèse relative au rapport d'audition présenté par la police : “Notre garde à vue a duré jusqu'à vingt-deux heures et, avec tout ce que nous avions enduré comme frustration et fatigue, nous avions peut-être signé sans lire le contenu des procès-verbaux.” Cependant, les deux accusés ont été quelquefois apostrophés par le juge, mais dans les limites de la correction. Pour Me Khalfoun, avocate de la défense, “cette affaire a été montée de toutes pièces dans l'unique but de mettre la main sur ces jeunes pour la simple raison qu'ils sont d'une obédience religieuse autre que l'islam”. Répondant à une question du juge, adressée aux accusés et relative à l'endroit exact de leur arrestation, cette dernière dira que “peu importe l'endroit, mes clients ont été victimes d'un stratagème des policiers qui ont inventé cette histoire de véhicule volé pour les immobiliser et les conduire au commissariat avant de leur faire endosser la pratique de prosélytisme”. Et d'enchaîner : “Avec tous les moyens et les pouvoirs dont dispose la police, pourquoi n'a-ton pas présenté au moins un citoyen ayant reçu un livre ou une cassette ?” Il s'agit d'un argument similaire à celui formulé par la même avocate dans l'affaire des six chrétiens jugés à Tiaret où elle disait que la police, renseignée qu'elle était, aurait pu arrêter les six accusés en flagrant délit de messe alors que ce n'était pas du tout le cas. S'agissant du rapport de la police, Me Khalfoun dira que l'audition par le juge peut s'offrir toute l'aptitude de l'annuler car les conditions de l'interrogatoire sont diamétralement opposées. Toutefois, à l'issue des plaidoiries, le représentant du ministère public n'a requis aucune peine ; il s'est juste contenté de souligner que le verdict, qui sera rendu le 2 juillet prochain, fera la lumière sur ce que prévoit la loi en de pareils cas. Une position amplement appréciée par Me Khalfoun qui estime que la suite de l'affaire est de bon augure. C'est d'ailleurs le même sentiment que partagent les deux accusés, notamment Rachid qui dit avoir confiance en la justice tout en souhaitant que les teneurs du dossier sauront statuer en vertu des lois de la République. “Aujourd'hui, la pondération du tribunal m'a rendu la confiance que j'avais perdue”, épiloguait-il. R. SALEM