L'histoire de Kattous, ce tout petit village haut perché de la commune de Sidi Naâmane, dans la daïra de Draâ Ben Khedda (wilaya de Tizi Ouzou), mérite certainement d'être contée. Tout petit hameau jadis complètement rasé par l'armée française, Kattous fut un véritable bastion de la résistance algérienne. Et pour cause, la tribu aura payé le prix fort puisque toutes ses maisons furent détruites et incendiées par l'armée coloniale et le village bombardé de fond en comble par l'aviation française pour réprimer dans le sang cette contrée rebelle dont les vaillants fils avaient défié l'ordre colonial bien avant la révolution de Novembre 1954. Et si les villageois de Kattous sont aujourd'hui fiers des seize martyrs de la Révolution que compte leur douar, ils ne cessent de redoubler d'authenticité et de nationalisme en rappelant que cinq de ces martyrs, les dénommés Kodja Ahmed, Oukrine Rabah et les frères Smaïli Rabah, Amar et Ali, avaient rejoint le maquis bien avant le déclenchement de la Révolution. Et lorsque l'histoire de novembre 1954 résonna dans les montagnes de Kabylie et un peu partout aux confins les plus reculés de l'Algérie combattante, les dignes fils de Kattous n'ont pas hésité à prendre les armes et à suivre le “chemin d'honneur” déjà tracé par leurs aînés. Dès les premières heures de la lutte armée, ils ont rejoint les rangs de l'ALN pour prendre part activement à la guerre de libération nationale. Cet héroïsme qui aura fait date dans l'ex-Wilaya III historique, le petit hameau l'aura payé très cher puisqu'il fut donc complètement rayé de la carte par l'armée française, à un tel point que les quelques survivants – essentiellement les femmes, les enfants et les vieillards – durent fuir le douar et eurent bien du mal – au lendemain de l'indépendance – à se réinstaller au village. Pis encore, les années noires du terrorisme aveugle n'ont fait que compliquer l'existence de ces braves montagnards qui ne demandaient pourtant qu'à revenir vivre sur la terre de leurs ancêtres. C'est désormais chose faite, depuis quelques années, qui ont vu certaines familles profiter de la quiétude de la région pour se réinstaller progressivement dans leur fief ancestral. Et comme les habitants de Kattous – les jeunes et les moins jeunes qui habitent Sidi Naâmane, Draâ Ben Khedda ou Alger – ont encore de la dignité dans les veines, ils ont profité de ce 5 juillet 2008 tout simplement mémorable pour réaliser, à leurs frais, une magnifique stèle à la mémoire des seize martyrs du village tout en reconstruisant admirablement la mosquée du village. Et ce fut en présence d'une marée humaine venue de toutes les localités environnantes que les valeureux citoyens de Kattous auront célébré tel qu'il se doit – et à leur manière – cette “fête de l'indépendance” à la saveur bien particulière. L'hymne national Qassamen aura retenti comme on ne l'avait jamais entendu à Kattous où les bambins du village auront agité gaiement des petits drapeaux comme pour exprimer leur bonheur et leur fierté de voir Kattous renaître de ses cendres… Près d'un demi-siècle après l'indépendance, les jeunes de Kattous auront élevé la voix et relevé le défi sans aucune assistance des pouvoirs publics, sans aucun calcul politique, car lorsque le cœur y est… tout y est ! Grâce à toute cette énergie juvénile, le vent de l'espoir et du renouveau aura enfin soufflé sur Kattous, l'un des tout premiers villages révolutionnaires de l'Algérie combattante. M. HOCINE