Juin 1995, au plus fort du terrorisme, cinq villages situés sur les hauteurs de la commune de Sidi Naâmane, dans la daïra de Draâ Ben Khedda, sont désertés par leurs habitants en l'espace d'une semaine. La région est tombée sous le diktat terroriste avant que l'ANP n'installe un campement. Dix ans après, retour sur les lieux. La vie reprend mais timidement dans des hameaux, aujourd'hui en ruine. Dans ces demeures sans toit et aux murs noircis par le feu, des voix d'hommes et de femmes tentent de briser le silence qui a régné jusqu'à fin 2003. Au village de Boumhala, perché sur une colline à plus de 700 m d'altitude, six familles sont rentrées depuis quelques mois. Elles occupent provisoirement l'école primaire et le dispensaire du village, partiellement restaurés. L'exode forcé vers le chef-lieu de Draâ Ben Khedda et dans d'autres villes du pays leur a fait subir beaucoup d'épreuves, témoignent-ils. L'insécurité les a contraints à louer à n'importe quel prix des hangars dépourvus du minimum de conditions de vie. Mohamed, la quarantaine, est un fonctionnaire de l'éducation et fait partie de ceux qui ont fui la région en 1995. Il a récemment pris une année de mise en disponibilité pour restaurer la maison familiale qui a servi de logis aux militaires. « Cela m'a beaucoup réjoui, car elle a été épargnée de la destruction dont ont fait l'objet les maisons voisines », déclare-t-il. La reprise de la culture des terres agricoles, première source de revenu des villageois en plus de l'élevage, pose aussi problème car les oliviers, les cerisiers et les figuiers ont été tous coupés et brûlés, remarque-t-on. Rappelons aussi que ce sont plus d'une vingtaine de poulaillers et d'étables qui ont été détruits. L'inexistence de moyens financiers a retardé en effet le retour des habitants de Boumhala, Melaib, Tala Mokrane, Mlikech et L'ksair. Le lancement en janvier 2002 du Programme de développement agricole et rural (PDAR) a fait renaître l'espoir dans le cœur des habitants de la région de Sidi Naâmane. Le projet, d'envergure nationale, avait alors comme objectif principal le repeuplement des régions désertées à cause du terrorisme islamiste. L'initiative était accueillie avec enthousiasme et une opération de recensement de plus de 350 familles a été effectuée. La subdivision agricole et la direction des forêts de Draâ Ben Khedda avaient fourni, pour encourager les agriculteurs de ces villages, un millier d'oliviers et autres plants d'arbres fruitiers. Trois années après, le projet n'est toujours pas concrétisé. Les efforts du président d'APC de Sidi Nâamane et du chef de daïra de Draâ Ben Khedda pour débloquer la situation semblent vains. « Tous les dossiers ont été transmis aux services concernés au niveau de la wilaya et ont été approuvés vers la fin de l'année 2004 », explique le P/APC de Sidi Naâmane. Une partie de l'aide en question était destinée à la réalisation de nouvelles constructions et divers travaux d'aménagement dans les villages inscrits. Le montant de chaque aide est respectivement de 50 et 25 millions de centimes. Le P/APC précise que, depuis quelques mois, le PDAR a pris une autre appellation qui est le PPDR (programme de proximité au développement agricole et rural) et dont le montant de l'aide a été réduit. Les habitants inscrits à ce programme qui a permis à certaines localités voisines, comme Boumerdès, de s'en sortir, commencent à perdre patience. Ils affirment avoir interpellé vainement le wali de Tizi Ouzou. Dernièrement, ils se sont réunis avec l'exécutif communal de Sidi Naâmane et le président de l'APW de Tizi Ouzou afin de tenter de débloquer la situation.Si de jeunes chômeurs ont pu être aidés par un agriculteur venu de Tigzirt, ce n'est pas le cas de tout le monde. Comme ammi Ali, un sexagénaire du village Boumhala, qui attend toujours la concrétisation du programme d'aide pour pouvoir enfin rendre à son champ sa verdure d'antan.