Le Premier ministre japonais, Yasuo Fukuda, a qualifié hier le 34e sommet du G8, qui vient de se dérouler à Toyako, dans l'île de Hokkaido, de “totale réussite, même si les discussions sur des dossiers lourds, tels que les changements climatiques et la crise alimentaire” se poursuivront en 2009 en Italie, lors du prochain sommet des pays les plus riches de la planète. L'implication des pays émergents, en l'occurrence le G5, dans la stratégie américaine, en a été l'exemple le plus illustratif de cette réussite. Reste à mettre en œuvre ses déclarations et ses communiqués diplomatiques sur le terrain. Mais cela est une autre histoire. Au cours d'une conférence de presse organisée au Centre international des médias, le Premier ministre du Japon a indiqué que cette rencontre a permis de dégager de larges consensus sur les questions que les chefs d'Etat ont eu à traiter. Réchauffement climatique, crise alimentaire, l'aide au développement en Afrique et non-prolifération nucléaire ; sur ces points sensibles, des décisions ont été prises. Ainsi, même si plusieurs organisations écologiques ont critiqué déjà, la veille de la clôture du sommet, l'annonce par le G8 de la réduction de 50% des émissions du gaz carbonique d'ici 2050, en associant l'ensemble des pays membres des Nations unies, il n'en reste pas moins que pour le Premier ministre Yasuo Fukuda, cette mesure est une étape supplémentaire dans la mobilisation mondiale pour la protection de l'environnement. D'ailleurs, le G8 a réussi, hier, comme l'ont bien voulu les Américains, non signataires du protocole de Kyoto, à avoir l'accord des puissances émergentes dont la Chine et l'Inde sur une réduction à long terme des émissions polluantes. Ainsi, les dirigeants des 16 principaux pays de la planète ont exprimé, dans une déclaration commune, leur “vision partagée” sur la nécessité d'agir contre les gaz à effet de serre, sans fixer toutefois de calendrier ou d'objectifs chiffrés. Le G5 des grands pays émergents, qui sont la Chine, l'Inde, le Brésil, l'Afrique du Sud et le Mexique, en plus de l'Australie, l'Indonésie et la Corée du Sud, ont donné leur quitus à cette nouvelle stratégie du G8. Il faut savoir que les associations mondiales de protection de l'environnement considèrent que ces 16 économies représentent plus de 80% des émissions mondiales dont 30% reviennent aux Etats-Unis. Le oui mais du G5 au G8 Hier, Yasuo Fukuda a expliqué que le G8 a décidé de s'engager à ce que les émissions mondiales soient divisées au moins par deux d'ici à 2050, dégageant la route aux négociations de l'ONU vers un accord global à la fin 2009. “Le climat est un dossier qui concerne le monde entier”, a estimé le Premier ministre qui relève l'importance du consensus dégagé sur ce dossier. Il semblerait que les dirigeants du G8 ont eu fort à faire pour convaincre les pays émergents de céder à ce qu'ils considèrent être “leur droit légitime” au développement. Mais, en réalité, si les Etats-Unis ont jusqu'à présent exclu toute implication compromettant leur suprématie économique, rien ne dit que les pays émergents ne feront pas de même. Tout est dans le langage diplomatique et dans les formulations. Car, en attendant le prochain sommet du G8 et la conférence internationale de Copenhague en 2009, la balle demeure dans le camp des pays développés et les membres du G5 n'ont pas hésité hier à juger insuffisants les engagements pris à Hokkaido, affirmant que les pays riches “doivent d'abord, eux, montrer la voie”. Si les observateurs considèrent que la présence au sommet du G8 des nations émergentes est un bouleversement de l'économie mondiale depuis le premier sommet des grands pays industrialisés en 1975, au lendemain du premier choc pétrolier, ils estiment cependant que les pays émergents ont compris que la politique de la chaise vide ne mène à rien et que seule une implication dans ce genre de processus politique pourrait contraindre les puissances mondiales à lâcher du lest. Dans ce cadre, le Premier ministre japonais a annoncé la création d'une fondation pour l'investissement en faveur du climat dans les pays en développement incluant l'utilisation des technologies propres ainsi qu'un fonds spécial pour le climat. Une enveloppe de 6 milliards de dollars a été consentie pour ces structures, a ajouté le responsable japonais, mais d'autres contributions seraient les bienvenues. De Kyoto à Copenhague, quel bilan ? Alors que le protocole de Kyoto expire en 2012, le Japon a d'ores et déjà préparé un autre plan de bataille dénommé “Cool Earth Partnership” qui pourrait d'ailleurs servir de base de travail au prochain sommet de Copenhague. Mais il faut dire que depuis Kyoto, la fonte des glaces se poursuit, ce qui signifie que les pays industrialisés n'ont en pratique aucune des mesures annoncées. Sur le plan de l'aide au développement en Afrique et revenant sur les résultats de la Ticad IV, le Premier ministre a réaffirmé l'engagement du G8 pour ce continent. Dans le cadre de l'achèvement des Objectifs du développement du millénaire, le G8, qui s'inquiète de la dégradation de la situation de certains pays du fait de la crise alimentaire et au-delà de son aide financière, entend s'attaquer au secteur de l'agriculture. “Nous avons surtout relevé l'importance d'inverser le déclin de l'aide et de l'investissement dans le secteur agricole et nous sommes engagés à augmenter notre soutien aux initiatives des pays en développement dans ce domaine, y compris en doublant la production des aliments de base dans certains pays africains dans les 5 à 10 prochaines années”, a encore souligné le Premier ministre japonais. D'ailleurs, le G8 prévoit très prochainement une réunion de ses ministres de l'Agriculture afin d'aborder cette problématique aggravée, du point de vue occidental, par l'envolée des prix du baril. Yasuo Fukuda a déclaré dans ce cadre que le G8 s'est mis d'accord sur la nécessité de répondre aux prix élevés de l'alimentation, de ceux du pétrole, ainsi qu'à la hausse de l'inflation. “Lors de notre discussion sur l'économie mondiale, tout en notant que la croissance avait ralenti, nous sommes restés positifs sur ses perspectives. Toutefois, nous avons reconnu la nécessité de répondre en particulier aux questions posées par le niveau élevé des prix du pétrole et de l'alimentation et aux pressions inflationnistes mondiales, la stabilité des marchés financiers et la lutte contre le protectionnisme”, a-t-il dit. Concernant la hausse des prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux — qui ont augmenté de plus de 80% depuis 2005 selon la Banque mondiale —, le G8 a fait part de sa “sérieuse préoccupation sur ses conséquences” et a “renouvelé son engagement à prendre toutes les mesures possibles pour répondre à cette crise structurelle aux causes et conséquences multiples”. Répondant à certaines craintes des organisations mondiales de l'environnement, qui ont révélé que l'utilisation du biocarburant aurait de graves conséquences sociales avec les pertes d'emplois pour des millions de personnes dans le monde, le G8 a indiqué qu'il s'assurerait de “la compatibilité des politiques de production et d'utilisation des biocarburants avec la sécurité alimentaire”. L'Iran, le nucléaire civil et la stabilité, selon le G8 Concernant la politique internationale, le G8 a exprimé “sa sérieuse préoccupation” face au refus de l'Iran de se conformer à plusieurs résolutions des Nations unies sur l'arrêt de son programme nucléaire mais réaffirmé qu'il souhaitait une issue diplomatique à la crise. Alors que le droit des pays en développement d'utiliser l'énergie nucléaire à des fins pacifiques a été totalement ignoré, le G8 a pressé “l'Iran d'agir de manière plus responsable et constructive dans la région, particulièrement dans le contexte du processus de paix au Moyen-Orient et à la stabilité de l'Irak et de l'Afghanistan”. Deux pays devenus des champs de bataille et des laboratoires de la mort par le fait de la guerre froide et de l'expansionnisme américain. S. T.