Le directeur général de la Sûreté nationale a annoncé, à Boumerdès, que le terrorisme est vaincu. On savait déjà que “le terrorisme était battu militairement…” mais qu'“il est victorieux politiquement”. N'est-ce pas que, selon un principe vieux comme le monde et formulé par Clausewitz, “la guerre est la poursuite de la politique par d'autres moyens” ? C'est la victoire politique qui compte donc. L'intégrisme n'a plus les moyens de menacer physiquement l'Etat, nous le savons depuis 1995, depuis que Zeroual, convaincu de l'absurdité sécuritaire d'une démarche conciliatrice, avait décidé d'assumer la guerre que l'islamisme a imposée au pays. Mais si Ali Tounsi a voulu dire que la capacité de nuisance des terroristes a complètement disparu, le démenti ne se serait pas fait attendre : à quelques kilomètres de ce discours, et à quelques heures près, une ambulance était mitraillée sur l'autoroute. Le discours sécuritaire continue donc de souffrir de la désinvolture de l'expression officielle. Ce qui dénote une absence de stratégies dans le traitement politique et militaire du terrorisme. L'incohérence stratégique explique l'incohérence verbale. On a eu à reprocher à la presse d'aborder avec une certaine légèreté, voire parfois avec fantaisie, cette grave question. Cette désinvolture médiatique n'est, en fait, que le reflet de l'improvisation officielle dans la gestion de la question sécuritaire. Ali Tounsi confirme les chiffres de son ministre de tutelle sur le nombre de terroristes encore en activité. Yazid Zerhouni parle de “autour de ces chiffres”, 300 et 400. Ce qui pourrait être 250 comme 450. Sur un tel sujet, si l'on est contraint à une telle approximation, c'est qu'on ignore la vraie réalité. Mais la question n'est pas là. Le citoyen ne peut pas donner de sens à une comptabilité d'effectifs en matière terroriste. Ce qu'il souhaiterait probablement, c'est qu'on l'informe des risques et des précautions à prendre pour se mettre à l'abri de sa nuisance et, si possible, le comportement à adopter pour réduire cette nuisance. À Boumerdès, il n'y a pas une commune, sur les trente-huit qui la composent, qui n'a pas son lot de terroristes en activité. Une petite projection permettrait de montrer à quel point le chiffre de trois cents (au niveau national) serait minimisé. Ce qui fut remarquable dans ce discours triomphant, c'est que le DGSN n'a pas abordé le rôle de la politique de réconciliation nationale dans le bilan sécuritaire national. Pourtant, voilà neuf ans que la démarche de composition avec le terrorisme se justifie essentiellement par ses implications en matière de paix civile. Elle légitime même le type de régime qu'on nous impose depuis 1999. Mais la voilà réduite à un processus parallèle qu'on peut omettre dans l'analyse de l'état sécuritaire du pays. Non, ou la réconciliation nationale a favorisé les progrès réalisés dans le domaine sécuritaire, ou elle les a…retardés. Ce qui est le cas, une simple balance recrutements-redditions, puisqu'on est dans la comptabilité, permettrait de le montrer. L'échec n'était pas contenu dans cette paradoxale attitude : vouloir à la fois vaincre le terrorisme islamiste et se le réconcilier ? M. H. [email protected]