La commune de Ben Aknoun (sur les hauteurs d'Alger) a vécu, hier, une journée bien mouvementée dont les conséquences auraient pu être catastrophiques. Une émeute a failli “embraser” cette agglomération, n'était le sang-froid de quelques citoyens qui ont pu calmer les esprits et éviter ainsi le pire. La protestation était due à l'affichage, la veille, de la liste des bénéficiaires des logements sociaux. Les noms affichés (et surtout ceux non affichés) ont suscité un tollé au sein des citoyens de la quasi-majorité des quartiers de Ben Aknoun. C'est vers 11 heures que des dizaines de jeunes et moins jeunes ont bloqué la très fréquentée RN36. Pendant près d'une demi-heure, les manifestants ont organisé un sit-in au milieu de la route, engendrant un embouteillage monstre. À l'aide de bennes-poubelles jetées par terre, des barricades ont été érigées. Les CNS n'ont pas tardé à “envahir” les lieux, sous le regard presque amusé des passants. Certaines femmes n'hésitaient pas à crier aux manifestants : “Vous avez raison, y en a marre mel hogra.” Ces derniers, se sentant vraisemblablement encouragés, ne voulaient pas bouger de leur place malgré les injonctions des policiers, et le sit-in était à un doigt de dégénérer en un affrontement entre les jeunes et les CNS. Les esprits étaient surchauffés et les manifestants restaient intransigeants, comme le répétait à tue-tête l'un d'eux : “On l'a attendu depuis ce matin à la mairie et il n'est pas venu. Maintenant, c'est au P/APC de venir lui-même nous parler”. Et un autre de renchérir avec de grands gestes à l'appui, à l'encontre des représentants de la police : “La liste affichée doit être annulée coûte que coûte. Ceux dans le besoin n'ont rien eu alors que la plupart des bénéficiaires n'ont aucun problème de logements. C'est du trafic pur et dur. Zadou alma labhar.” Après des pourparlers (houleux) entre des officiers de la police et quelques protestataires, un “deal” a été conclu entre les deux parties. Les manifestants ont levé le sit-in et ont “organisé” une marche (dans le calme, encadrés par une dizaine de policiers, en civil et en uniforme) jusqu'au siège de l'APC. Sur place, le p/APC a reçu quelques-uns parmi eux. Nous avons assisté à la rencontre qui a duré plus d'une heure et qui s'est déroulée dans une ambiance électrique. Le brouhaha était total. Aux exigences des représentants de la population, le p/APC (élu FLN et en poste depuis 2002) a rétorqué : “Il faut introduire un recours pour que chacun réclame son droit.” Il a précisé aussi : “Il ne s'agit que d'un quota de seulement 40 logements et il y aura un autre avant la fin de l'année.” Une manière pour lui d'essayer de calmer les esprits mais, visiblement, ça n'avait pas marché. Cependant, ni le P/APC ni ceux qui l'accompagnaient n'ont pu répondre à la question d'un des protestataires : “Pourquoi, sur les 40 bénéficiaires, 19 sont d'un seul quartier, alors que d'autres n'ont perçu que des miettes ?” Au bout de tous ces “palabres”, il a été décidé sur place la désignation de cinq personnes parmi les manifestants, accompagnés du P/APC, pour se diriger vers le siège de la wilaya. “On va rencontrer le wali et on va exiger de lui qu'il bloque au moins la liste tout en acceptant tous les recours qu'on va faire”, expliquait l'un d'eux aux nombreux jeunes qui attendaient, sous un soleil de plomb, devant le siège de l'APC. Tout le monde s'est donné rendez-vous en fin de journée “pour se mettre d'accord sur les initiatives à entreprendre”. À aucun moment, un représentant des nombreuses associations que renferme Ben Aknoun ne s'était manifesté. C'est dire que l'urgence n'est pas uniquement au niveau de cette commune et ne concerne pas seulement le problème des listes, mais aussi celui du statut même des APC et de la pseudo-société civile qui n'existe finalement que dans les cérémonies “d'applaudissements”. Salim KOUDIL