Un conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine a été installé en mai denier. Il en était déjà à sa 140e réunion, au sommet de Charm El-Cheikh ! Il se réunit, enregistre, réitère, appuie, se félicite et édite un communiqué. L'UA devrait avoir de quoi s'occuper avec la douzaine de zones de belligérance qui enflamment le continent. Des situations qui appellent plus que des communiqués : on meurt de violence armée au Zimbabwe, au Tchad, en Centrafrique, en RDC, en Somalie et, bien sûr, au Soudan. Des rebellions menacent le Nigeria, le Mali et le Niger. La guerre menace Djibouti et l'Erythrée et le terrorisme éprouve le Maghreb. Depuis que le président du Soudan est sous la menace d'un mandat d'arrêt, l'organisation continentale semble plus active, et ses résolutions un peu plus résolues. Et l'on sort la grande artillerie argumentaire : le Soudan n'est pas signataire de la convention qui crée la CPI ; l'inculpation de Omar El-Béchir risque d'aggraver l'enfer du Darfour ou de compliquer la mission de la force “hybride” et du personnel de l'ONU et même qu'elle risque de susciter un coup d'Etat à Khartoum ! Ce qui serait une innovation politique constituant un grave précédent dans notre continent ! Pour la défense de Béchir, sont invoquées, pêle-mêle, l'incompétence de la cour, son impartialité Nord-Sud et les implications néfastes sur la situation de ceux que la CPI considère justement comme les victimes du pouvoir de Khartoum. Au-delà de la légitimité juridique de la demande du procureur de la CPI, qui relève du débat de spécialistes, et comme, en d'autres occasions, ces objections n'ont pas été opposées à la Cour internationale, on peut douter d'une position africaine ou arabe de principe. Il s'agit avant tout, pour les régimes concernés, d'une solidarité de principe. Il est question de sauver un des leurs et d'empêcher que n'advienne un inquiétant précédent. Car, en effet, et contrairement à ce que pourrait faire croire la défense acharnée de Béchir, l'Afrique a l'habitude de livrer gaiement ses ressortissants à la CPI et aux tribunaux internationaux ad hoc. Bien plus facilement que les Etats d'après-guerre des Balkans, par exemple. Ainsi en fut-il de l'ex-président du Liberia et des responsables de l'opposition armée congolaise. L'Afrique s'est même offusquée que le procès du chef des milices Thomas Lubanga ait été récemment reporté faute de preuves. Sauf que les personnes livrées par des pays africains ou tiers avaient, toutes, la particularité de ne pas être, ou de ne plus être, au pouvoir au moment de leur arrestation. Malheur aux perdants, même devant la justice ! L'Occident n'est pas exemplaire en matière de droits humains. En privilégiant les relations de connivence à une coopération politiquement constructive a encouragé l'autoritarisme de ses partenaires du Sud... L'obsession de la “stabilité” de ses sources d'approvisionnement a été la principale garantie de l'impunité et la pérennité des dictatures, les plus tyranniques et les plus belliqueuses. Aujourd'hui, la justice internationale souffre du déficit politique des relations internationales. Et les républiques bananières que les “démocraties” ont encouragées en profitent pour continuer à sévir. Solidairement. M. H. [email protected]