Le Conseil des ministres, réuni mercredi dernier sous la présidence de Abdelaziz Bouteflika, a adopté le décret portant réglementation des marchés publics. Ce dernier modifie et complète son prédécesseur en vigueur depuis le 24 juillet 2002. Le décret adopté ce mercredi vise à rectifier le tir et à lever toutes les entraves devant les entreprises, notamment locales, qui soumissionnent aux projets. Il ambitionne également de permettre aux collectivités locales et aux entités publiques de pouvoir tenir leurs engagements, notamment en ce qui concerne la réalisation du programme quinquennal de relance économique, et ce, en levant toutes les contraintes d'ordre juridique et bureaucratique qui causaient, jusque-là, des retards incommensurables dans la réalisation des projets, avec tous les surcoûts et réévaluations que cela suppose. Les entreprises algériennes se plaignaient, par le passé, du fait qu'elles étaient automatiquement exclues des soumissions, dès lors qu'elles devaient déposer des cautions pour chaque projet, surtout lorsque ces projets se trouvaient éparpillés sur plusieurs wilayas. Seules les entreprises algériennes de grande taille et les sociétés étrangères pouvaient prétendre soumissionner à ces projets. Le décret adopté ce mercredi vise à réparer cette injustice en décidant le relèvement de 6 à 8 millions de dinars du seuil des passations obligatoires de marché, ainsi que le relèvement du seuil des marchés devant être soumis à la Commission nationale des marchés de 250 à 400 millions dinars. Le nouveau décret fixe la limitation de la caution de soumission aux seuls marchés relevant de la compétence de la Commission nationale des marchés, de sorte à alléger les contraintes financières sur les entreprises de réalisation. Ce décret devrait s'appliquer y compris aux marchés publics conclus par les entreprises publiques économiques, sur concours définitif de l'Etat. Ces nouvelles dispositions permettront d'alléger le porte-monnaie des entreprises, notamment celles qui ne disposent pas d'assez de moyens financiers, sachant que, par le passé, les cautions exigées devaient être bloquées durant toute la durée de l'étude des dossiers des soumissionnaires. Des délais fortement pénalisants pour des entreprises qui dépendent énormément de la disponibilité des ressources financières. Surtout lorsqu'on connaît les retards enregistrés dans le payement des factures dues à ces mêmes entreprises par les démembrements de l'Etat (collectivités locales notamment), et les lenteurs constatées chez les banques pour l'octroi de crédits, l'on imagine aisément les difficultés vécues par les entreprises de réalisation pour tenir leurs engagements dans les délais et les normes requis. Le nouveau décret présidentiel se veut en adéquation avec les exigences du moment. Il fait obligation aux partenaires dans les marchés publics de respecter la législation du travail, les règles de protection de l'environnement, ainsi que de la nécessité de promouvoir le recours à la main-d'œuvre locale. Ce dernier point a été quelque peu négligé ces dernières années, où l'on a constaté le recours massif à la main-d'œuvre étrangère, souvent de façon injustifiée, par des entreprises étrangères. Le chef de l'Etat a mis l'accent, lors du débat autour de ce décret, sur le fait que “le souci de faciliter la passation des marchés publics ne doit pas nous départir de la vigilance maximale pour prévenir, dans ce cadre, toute tentative de corruption ou d'atteinte aux deniers publics, rappelant que la législation en vigueur frappe de nullité tout marché ou contrat entaché de corruption et que ce crime est légalement imprescriptible”. À la veille de sa rencontre avec les élus locaux, les premiers concernés par l'exécution de ce décret, le président Bouteflika a tenu à faire ces précisions, d'autant plus que les retards enregistrés dans la finalisation des dossiers et dans la conclusion des marchés publics sont parmi les causes d'importantes réévaluations des coûts de réalisation du programme quinquennal d'investissements publics. À ce titre, il a fermement instruit le gouvernement dans son ensemble à se mobiliser pour contenir cette tendance préjudiciable au budget de l'Etat. À cet égard, le président Abdelaziz Bouteflika a ordonné, d'une part, au ministre des Finances de prendre les dispositions nécessaires pour accélérer le rythme d'examen des dossiers soumis à la Commission nationale des marchés publics et, d'autre part, aux autres membres du gouvernement concernés de suivre de près l'examen des dossiers les concernant au niveau de ladite commission, de sorte que les réponses requises soient rapidement fournies pour la levée des réserves constatées par la Commission nationale des marchés. Les directives du chef de l'Etat ont été précédées par celles prises par le Chef du gouvernement en début de semaine dernière, en vue de dépoussiérer les projets d'investissement en attente de réponses et de demander des éclaircissements sur les raisons du retard pris dans leur concrétisation. Parmi ces projets figure celui du groupe émirati Emaar, dont le coût global avoisinerait les 40 milliards et qui tarde à voir le jour. À travers l'adoption du décret présidentiel sur la réglementation des marchés publics, l'Etat poursuit sa démarche tendant à lever tous les obstacles ayant jusque-là entravé l'exécution des projets d'investissement, qu'ils soient publics ou privés. Après avoir finalisé le dispositif réglementaire concernant l'accès au foncier industriel, qui freinait considérablement l'investissement, l'Etat s'attaque aux marchés publics, en attendant de donner un coup de pied dans la fourmilière du système bancaire qui reste, malgré toutes les réformes, à la traîne. Azzeddine Bensouiah